Baccalauréat

Faire stresser le ministère

par Franck Jakubek
Publié le 21 juin 2019 à 11:50 Mise à jour le 25 juin 2019

Un appel unitaire, quasi unanime - il manque, entre autres, la CFDT et l’UNSA - mais personne ne semble étonné. Par contre, « un tel appel ne s’est produit qu’à deux reprises : en 1968 et en 2003 », rappelle le communiqué commun pour la journée de grève de la surveillance du bac le 17 juin.

Il s’agit bien, pour le corps enseignant, d’inverser la vapeur. Faire pression sur le ministère « pour exiger le retrait des réformes des lycées et du baccalauréat » est la première volonté des enseignants mobilisés lundi 17 juin. Pour le premier jour du bac, les organisations syndicales ont frappé fort afin de marquer leur désaccord envers une politique sourde à toutes les propositions.

Face à un mur, les professeurs ont édifié le leur, en carton, face au rectorat, rue Saint- Jacques, à Lille. Un mur symbolisant chaque lycée mobilisé ce jour, du lycée Condorcet à Lens au lycée de l’Europe à Dunkerque, du lycée Picasso d’Avion, en passant par Queneau à Villeneuve-d’Ascq ou Valentine Labbé à La Madeleine. Tous dénoncent les principes inégalitaires, pour les élèves et les territoires de la réforme des lycées et du bac, la pression accrue sur les élèves avec des évaluations permanentes, les « spécialités locales » ne plaçant pas tous les lycées sur un même plan...

Et depuis de nombreuses années, le ministère reste sourd aux revendications des enseignants sur les effectifs, sur les indices et l’évolution de carrière. Le ras-le-bol est prégnant même si le rassemblement reste bon enfant. « Nous sommes contents que les syndicats se soient mobilisés. Nous avions essayé avec les seuls Stylos rouges mais nous n’étions qu’une douzaine ! » , s’exclame un jeune professeur, heureux de voir que dans toute l’académie ses confrères, et consœurs, se mobilisent dans l’intérêt du service public.

Avec des pointes de mobilisation montant à 80 % de professeurs en grève au lycée Paul-Duez à Cambrai suivant les syndicats. « Le ministre a pris le risque de fragiliser la surveillance. Dans certains cas, des volontaires sont sollicités un peu partout, chez les hospitaliers, voire même le Rotary Club », dénonce le SNES.

Le refus de la sélection sociale

L’appel à la mobilisation visait principalement les enseignants requis pour la surveillance des épreuves. « Avec le préavis, le ministre a eu largement le temps d’ouvrir les discussions. À charge pour les établissements de prévoir les effectifs pour la surveillance... », déplore un enseignant arborant un éclatant t-shirt rouge au message clair : « Je suis engagé au quotidien » . Le pointage des grévistes, le nerf de la guerre de communication. Au matin, sur les ondes radio, le ministre Blanquer annonçait un timide 5 %.

« Ils se basent sur les effectifs complets, alors que le mouvement de grève est porté par les enseignants convoqués pour surveiller les examens », se gaussent les syndicats. « Habituellement, dans ce genre d’événements nous escomptons une quarantaine de participants » , confie Jean-François Carimel, secrétaire académique du SNES. Et, en fait, ce sont plus de deux cent cinquante personnes qui stationnent devant le rectorat.

Avec le SNES, la FSU, FO, la CGT Éduc, SUD, plus loin les drapeaux de la JC, des Stylos rouges, et des enseignants de toute la région, dans 40 % des lycées de la région des mobilisations sont en cours. Des préavis ont été déposés pour chaque journée d’examen dans les quinze jours à venir jusqu’à la fin des épreuves. Pour laisser planer la menace et maintenir la pression sur le ministre. En ce jour de première épreuve de bac, la philo, les professeurs facétieux distribuaient trois sujets au choix.

Le premier, à lui seul, traduit bien les raisons de la colère des enseignants : « Renoncer rationnellement à suivre des enseignements permet-il de se construire un avenir ? »

Pas sûr que Pierre Mathiot, père de la réforme du bac, et Jean-Michel Blanquer, ministre de tutelle, aient envie de plancher sur ce sujet. Les deux compères auront pourtant bien mûri leur projet à l’ombre de Sciences po Lille. Une génération qui croit en la pensée complexe mais veut priver les générations futures des bienfaits de l’Éducation nationale pour tous ? Un autre sujet à prévoir sans doute, sur une élite nouvelle, ravie de ruiner ce qui les a construits.

par Franck Jakubek

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