EUROPÉENNES 2019

Ian Brossat : les pieds sur terre pour remettre l’Europe à l’endroit

par Franck Jakubek
Publié le 15 novembre 2018 à 17:17 Mise à jour le 6 décembre 2018

Avant une réunion avec des militants, Ian Brossat, présent pour la troisième fois dans notre région, décrit l’Europe que les communistes veulent construire. Entretien avec le chef de file du PCF pour les élections européennes.

Comment faire campagne pour les élections européennes quand tout le monde se plaint de l’Europe ?
Depuis des années, l’Union européenne sert de prétexte pour dégrader les conditions de vie de nos concitoyens. Si on ne s’en occupe pas, l’Europe s’occupe de nous. C’est essentiel et l’impact est immédiat. Quand le gouvernement d’Édouard Philippe gèle l’allocation logement, les allocations familiales, les pensions et les retraites c’est au nom de la réduction du déficit public au niveau des sacro-saints 3 %. Si nous voulons que cela change en France, il faut que cela change à Bruxelles et à Strasbourg aussi. Nous devons sortir des traités qui dégradent nos conditions d’existence.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Parfaitement, un négatif et un autre positif. En France, le le gouvernement force sur la réforme de la SNCF en s’appuyant sur le quatrième paquet ferroviaire [NDLR : ensemble de directives adoptées en 2016 visant à établir la concurrence ferroviaire], voté avec quinze voix d’écart. Avec seulement quinze députés de gauche supplémentaires, le rapport de forces était vraiment différent. Autre exemple, plus positif. La Commission européenne avait un projet pour les travailleurs de la route dégradant leurs conditions de travail en décalant les plages de repos. Les directives prévoyaient des congés toutes les trois semaines uniquement. La mobilisation très forte des syndicats et des députés notamment de la Gauche unie européenne (GUE-NGL), a permis qu’une majorité rejette ce projet de dégradation des conditions de travail. Beaucoup de choses se jouent au parlement. Il est nécessaire de l’investir, sinon il reste aux mains des technocrates et des banquiers.

Ian Brossat (au centre) en est à sa troisième visite dans la région des Hauts-de-France. Ici à Lille, début septembre, avec les communistes du Nord, lors de la braderie.
Photo Marc Dubois

Que constatez-vous depuis le début de votre tour de France pour les européennes ? Quel est le premier souci des Français ?
Incontestablement, l’accès au travail et la rémunération sont la première préoccupation de nos concitoyens. C’est aussi la priorité de cette campagne. L’Union européenne conduit à la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Nous devons mettre fin au dumping social, à cette course au moins-disant social qui ne nourrit que les actionnaires. Entre un salarié bulgare et un salarié français, l’écart est de 1 à 8.

Avons-nous les moyens d’y mettre fin en Europe ?
Deux éléments concrets pour comprendre que c’est tout à fait possible. En dix ans, le produit intérieur brut européen, c’est-à-dire l’ensemble des richesses produites par le travail, a progressé de deux mille milliards d’euros. Durant la même période, le pourcentage de travailleurs pauvres est passé de 7 à 10 %. Les inégalités n’ont fait que progresser alors que les richesses augmentent. Ce n’est pas acceptable. L’UE a été conçue pour les banques et les marchés. Il est temps de la remettre dans le bon sens. Actuellement, c’est concurrence partout et justice sociale nulle part. Nous voulons l’harmonisation sociale par le haut.

Estimez vous qu’il soit envisageable de mettre en place un SMIC européen ?
Nous sommes favorables à la logique de l’harmonisation sociale par le haut. Oui, c’est envisageable mais en tenant compte des niveaux de vie et des écarts de prix, souvent de 1 à 3 entre les pays. Il est temps de mettre en place une autre Europe. Une Europe qui protège comme nous en avons besoin. Une Europe citoyenne avec des garanties fortes. C’est la vision que nous défendons à moyen terme.

Quels sont les dispositions qu’il faudrait prendre en premier ?
Je propose tout de suite deux choses. Nous devons refuser toute délocalisation intra-européenne. Il faut en finir avec les usines qui ferment chez nous pour rouvrir un peu plus à l’Est. Aujourd’hui, c’est ce qui se passe dans la moitié des cas de fermetures. Ensuite, le scandale des travailleurs détachés doit cesser. Quand on travaille en France, c’est avec un contrat français ! Nous sommes face à une forme de concurrence déloyale, sauvage, qui nous entraîne vers le bas. L’Europe doit organiser plus de sécurité pour les travailleurs et les citoyens. Nous avons besoin de coopérations, pour les migrants, contre l’évasion fiscale....

« Notre lobby, c’est les gens »

Pour beaucoup, l’Europe représente la paix. Que pensez-vous de la réaction de Donald Trump après les commémorations du centenaire du 11-Novembre ? L’Europe de la défense sociale par Emmanuel Macron, c’est une véritable explosion de dépenses militaires ! Nous sommes contre cette course en avant, dans le contexte actuel c’est le contraire dont nous avons besoin. Nous devons retrouver notre souveraineté et surtout en quittant l’OTAN. Donald Trump se conduit de façon extrêmement agressive. Devant cette attitude, Macron aurait dû sortir de l’OTAN. Au lieu d’augmenter notre contribution sous les insultes de Trump, devant qui nous n’avons pas à nous coucher. Non, Emmanuel Macron n’a pas la carrure de Charles de Gaulle.

Marie-Hélène Bourlard, figure du film "Merci Patron", avec Ian Brossat à Lille le 15 novembre.

Vous êtes dans les Hauts-de-France cette semaine. Comment percevez-vous notre région ?

Depuis que nous avons commencé la campagne en vue des élections européennes, nous avons fait une quinzaine de déplacements et c’est déjà ma troisième visite dans la région, après Malo en août et la braderie de Lille en septembre. Il y a des personnalités du monde du travail comme Marie-Hélène Bourlard, ancienne ouvrière d’ECCE à Poix-du-Nord, ou Franck Sailliot, de l’imprimerie Arjo-Wiggins, à Wizernes, qui ont toute leur place sur notre liste. De même que Loïc Pen, médecin urgentiste dans l’Oise. Le monde du travail sera bien représenté. Nous préparons la liste de ceux qui fabriquent, qui produisent. Nous faisons confiance à ceux qui construisent ensemble, pas seulement aux premiers de cordée. Notre credo à nous, c’est plutôt les cordiers ! Les Français n’en peuvent plus de Macron et du lobby de l’argent. Nous, notre lobby, c’est les gens.