Elsa Faucillon, députée communiste (groupe GDR) des Hauts-de-Seine

Féminicides : « Il faut appliquer les lois et tripler le budget »

par Philippe Allienne
Publié le 12 juillet 2019 à 17:12 Mise à jour le 13 juillet 2019

Que pensez-vous du Grenelle des violences conjugales annoncé pour la rentrée par Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargé(e) de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ?

Le terme « Grenelle des violences conjugales » est mal choisi. De tout façon, les personnes et associations qui accompagnent les femmes au quotidien ont des propositions et des solutions. Avec ce décompte macabre, 75 femmes tuées par leur conjoint ou leur compagnon depuis le début de l’année, il est très urgent d’agir. Il faut le faire tout de suite. Il est horrifiant de constater l’accélération des actes violents alors que, dans le même temps, la parole des femmes se libère. L’urgence, c’est d’abord appliquer les lois déjà votées. Il y en a eu neuf depuis 2010. Faute de moyens, elles ne sont pas mises en œuvre.

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Quelles sont ces solutions ?

Il faut former les fonctionnaires de police et les magistrats. Il ne faut plus que la volonté de déposer plainte soit mal accueillie ou réduite à une main courante. Je dirais la même chose pour les hôpitaux où il faut consacrer le temps nécessaire à l’écoute et à la parole et permettre d’agir derrière cette parole. Aucune femme qui déclare subir des violences ne doit repartir sans propositions. Il est également nécessaire de dégager des logements dédiés aux femmes qui veulent quitter leur foyer. 200 à 300 places sont nécessaires immédiatement. Il en faut 2000 avant la fin du quinquennat.

Cela nécessite un budget conséquent.

La France consacre 80 millions d’euros au traitement des violences conjugales. Cela représente 0,0066 % de son budget. Il faut trois fois plus. Marlène Schiappa évoque le chiffre de 500 millions, mais elle parle du budget pour l’égalité des hommes et des femmes. L’Espagne a su prendre le problème à bras le corps. Par exemple, on y observe 20 000 mesures d’éloignement par an des conjoints violents. En France, il n’y en a que 3000. Cela relève de la justice, mais le gouvernement est responsable.

Mais la secrétaire d’État estime aussi que c’est une affaire sociétale.

Oui, elle dit que c’est la société qui doit s’emparer de la question. Ainsi, elle ramène tout aux actions citoyennes. Mais la lutte contre les violences doit aussi passer par les moyens de l’État. Il ne suffit pas de mettre à disposition des femmes un téléphone « grave danger ». Si une femme rentre chez elle avec ce téléphone, c’est qu’elle risque déjà un danger sérieux. Non, il importe que chaque fonctionnaire de police, lorsqu’il entend une femme lui dire qu’elle subit des violences, sache prononcer ces trois phrases clés : « Je vous crois ; Ce n’est pas votre faute ; Je vais vous aider ». Si l’on doute, on casse le dialogue.