50 ans de vie politique

Chirac s’éteint, la maison brûle toujours

par Franck Jakubek
Publié le 28 septembre 2019 à 01:17

Comme un chêne il aurait voulu tomber, c’est certain, d’un coup. La maladie malheureusement l’avait beaucoup affaibli. Fidèles parmi les plus fidèles, Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, a continué jusqu’au dernier moment à accompagner l’ancien président de la République, cherchant à le faire sourire. Les Wampas, eux, l’auraient bien vu en prison comme ils le chantaient en 2003. Ils peuvent toujours se consoler avec Balkany.

Jacques Chirac, à 86 ans, a tiré sa révérence. Doucement, entouré des siens, il s’est éteint au matin du jeudi 26 septembre. Président de la République en 1995, réélu le5 mais 2002 face à Jean-Marie Le Pen, et grâce à un sursaut républicain qui restera tristement dans toutes les mémoires. il aura marqué toute une époque par son attitude, à la fois ferme avec les Américains, comme lors du refus de participer en 2001 à la guerre en Irak, au plus proche des questions agricoles, et habile tacticien.

« Putain ! Deux ans… »

On se souvient certes de sa décision surprenante de dissoudre l’Assemblée nationale le 21 avril 1997. Ce qui permit une cohabitation de cinq ans, avec Jospin, Premier ministre. Lui qui avait souffert des deux cohabitations précédentes. La première de 1986 à 1988, lors de laquelle François Mitterrand lui avait mené la vie dure. La seconde quand Édouard Balladur, Premier ministre de la seconde cohabitation de 1993 à 1995, rompt leur accord et s’engage, avec le soutien de Nicolas Sarkozy, dans la présidentielle pensant écarter facilement un Chirac de plus en plus isolé. Le duel fratricide s’est transformé en victoire flamboyante pour la droite et pour Jacques Chirac qui rêvait depuis longtemps du fauteuil présidentiel.

Jacques Chirac, président de la République de 1995 à 2007

Les pommes de sa campagne ont longtemps fait sourire, nous ne devons pas oublier ce qu’ont signifié aussi les années de cohabitation. Et ce qu’elles ont coûté au peuple français et à la gauche. Même si étudiant, il a vendu pendant quelques temps l’Humanité.

S’il est né le 29 novembre 1932 à Paris, ses racines sont solidement ancrées dans le terroir corrézien et l’idéal laïc et républicain. Ses deux grands-pères sont directeurs d’école, l’un à Brive-la-Gaillarde, l’autre à Sainte-Féréole dont il sera conseiller municipal dès 1965. En 1967, poussé par Pompidou, il ravit la circonscription d’Usuel en Corrèze. Département dont il eut la présidence du conseil général de 1970 à 1979.

Un ancrage qui faisait sa force. En homme libre, il provoqua même la colère de la droite en faisant lors d’un faux aparté la confidence à François Hollande qu’il allait voter pour lui « si Juppé ne se présente pas » à la présidentielle de 2012.

Gaulliste, il fut avant tout l’homme de Pompidou dont il fut chargé de mission dès 1962. En 1967, il est secrétaire d’État en charge de l’Emploi et plus jeune ministre. Et en 1968, il est l’un des acteurs des accords de Grenelle

Contre les giscardiens

Sa carrière l’amène en 1974 à devenir Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing avec qui la lune de miel ne dure que deux ans, déjà deux ans… Il crée le RPR en décembre 1976, décriant le libéralisme des giscardiens et prônant plutôt une forme plus sociale du capitalisme. En 1977, il s’empare de la mairie de Paris qu’il gardera jusqu’à son élection comme Président de la République en 1995. Chirac, c’est à la fois l’homme « du bruit et l’odeur » et celui qui s’emporte contre les militaires israéliens empêchant les journalistes de travailler autour de lui lors d’une visite à Jérusalem. C’est l’homme des réseaux et des affaires, notamment celle des Hlm de la mairie de Paris. C’est celui qui, au salon de l’Agriculture, connaissait la moindre vache par son nom. Il est encore l’homme de « la fracture sociale ». Il est aussi celui qui en 2002, lors du sommet de la terre de Johannesburg, commence son discours par cette phrase célèbre « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Un sujet toujours d’actualité.