« La gratuité des transports publics devient une nécessité »

par Philippe Allienne
Publié le 15 mars 2019 à 09:20

Alors que la Communauté urbaine de Dunkerque passe pour un laboratoire de la gratuité des transports publics, la métropole lilloise est loin du compte. Entretien avec Fabio Cionni et Pierre Verquin, deux jeunes communistes qui militent pour cette solution.

Pierre Verquin et Fabio Cionni devant la station de métro « République Beaux-Arts », à Lille : pour changer le système.

Pouvez-vous préciser votre démarche ?
Fabio Cionni : Nous nous inscrivons dans la continuité de l’action menée depuis des années par les JC et le Parti communiste sur la gratuité des transports publics dans le Nord. Mais là, il y a un contexte particulier, celui de la marche mondiale pour le climat qui va concerner soixante-seize villes françaises, ce samedi 16 mars, dont Lille et Arras. A la lueur de l’enjeu climatique, la gratuité des transports publics n’apparaît plus seulement comme une alternative possible, elle devient une nécessité. C’est pour cela que nous interpellerons la MEL (Métropole européenne de Lille) sur cette question.

Le raisonnement de la MEL est à l’opposé de la gratuité.
FC : C’est le moins que l’on puisse dire. Elle annonce au contraire une nouvelle hausse tarifaire pour 2020. Tout le monde sera encore concerné comme en 2015 où la MEL a imposé le passage à la « tarification solidaire », supprimant du coup les exonérations pour les chômeurs, les étudiants, les personnes handicapés, et en général pour toutes les personnes percevant des minimas sociaux.
Pierre Verquin : C’est même devenu hyper humiliant pour les gens à qui ont demande des documents de plus en plus précis, un quotient familial à jour depuis un mois maximum, etc. Pour un étudiant boursier, l’abonnement va passer de 3,60 € à 4,20 €. Le ticket unitaire va frôler 2 € !

Le ministre Gérald Darmanin, lorsqu’il était vice-président de la MEL, se disait pour la gratuité dans le tramway.
FC : On peut y voir une avancée, mais il ne faut pas oublier que cela ne concerne que peu de voyageurs entre Lille, Roubaix et Tourcoing. Par ailleurs, le tramway passe par les beaux quartiers (Marcq, Croix, Wasquehal, etc.). On passe à côté du vrai problème.

« Pour s’attaquer à la pollution en diminuant la circulation automobile, il faut rendre les transports publics accessibles à tous. »

C’est-à-dire la question sociale ?
PV : Bien sûr. On ne peut pas faire de l’écologie sans faire du social. Pour s’attaquer à la pollution en diminuant la circulation automobile, il faut rendre les transports publics accessibles à tous. Dans l’agglomération dunkerquoise, en 2015, deux tiers des déplacements se faisaient en voitures individuelles. Les gens ne prenaient pas le bus ou fraudaient parce que c’était trop cher pour eux. La gratuité a permis d’augmenter de 50 % l’utilisation du bus.

Comment percevez-vous le passage de Transpole à Ilévia, dans la métropole lilloise ?
FC : Personne n’a été prévenu du changement de système de circulation des bus : la baisse de fréquence, les arrêts supprimés avec les conséquences que l’on connaît pour les personnes les moins favorisées. Au lieu de cela, ils ont changé les couleurs des panneaux et des tenues des employés. Les médiateurs ont à présent une convention collective au rabais.
PV : Et bien sûr, le choix pour la répression et la sécurité s’est confirmé. Les amendes pour fraude sont très élevées et on criminalise la pauvreté avec la menace de peines d’emprisonnement affichées dans les stations de métro. Enfin, vingt millions d’euros ont été dépensés pour l’installation des portiques. Au bout du compte, le partenariat public privé favorise les profits de Keolis qui exploite les réseaux de transport. En considérant cela, on peut difficilement prétendre que la gratuité est impossible parce que trop chère pour la collectivité.