La réforme Blanquer défrise les lycées

par Philippe Allienne
Publié le 19 avril 2019 à 16:45 Mise à jour le 2 mai 2019

C’est à l’ensemble de l’Éducation nationale que le gouvernement s’est attaqué. Cela part de la maternelle, avec la scolarisation obligatoire des enfants dès l’âge de trois ans, jusqu’à l’enseignement supérieur avec la création d’instituts nationaux supérieurs du professorat pour former autrement les professeurs et améliorer le contenu des enseignements.

Dans les collèges, les dotations horaires (le nombre d’heures d’enseignement) ont été communiquées dès février, mais les enseignants ont tout de suite fait part de leurs craintes de voir diminués les moyens alloués. En cause ? La volontédes rectorats, souvent, d’imposer un nombre exubérant d’heures supplémentaires. Et les nouvelles dispositions interdisent aux professeurs de refuser, sous peine de sanctions. « L’école de la confiance devient l’école de la défiance », dénonce un professeur de collège.

Dernier avatar de la « réforme Blanquer », précisément, le projet intitulé « Pour une école de la confiance » entend « élever le niveau général des élèves » et « promouvoir la justice sociale ». À observer la mobilisation qu’il suscite partout en France, le moins que l’on puisse dire est qu’il peine àconvaincre. Alors qu’il tente de rassurer les directeurs d’écoles primaires (un temps menaces de disparaître dans le rapprochement avec les collèges), il ne peut éteindre le feu dans le secondaire oùsa réforme se traduit par 2 600 suppressions de postes et où l’on recrute de nombreux stagiaires insuffisamment formés. « La réforme des lycées, c’est un plan social à l’échelle nationale », entend-on par exemple dans les collectifs de parents et enseignants. Ces derniers accusent le « bac à la carte » de transformer le diplôme ouvrant la porte au supérieur en diplôme variable selon les académies ou les régions et soumis àl’offre locale.

Enseignants, parents d’élèves et lycéens voir (Réforme du bac et Parcoursup : Ce qu’ils en disent) demandent d’une même voix l’abrogation de la réforme qui, selon eux dévalorise le bac. Ils veulent aussi l’abrogation de Parcoursup, le système installédepuis 2018 et qui instaure une sélection à l’université.

Résumant le fond de la réforme du lycée, Jeanne Kerboua [1] professeure d’anglais dans le Nord, explique que celle-ci porte un problème d’égalité entre les élèves et qu’elle arrive dans un contexte de casse du service public. Parmi les aspects les plus impopulaires, les spécialités que les élèves doivent choisir en première et en terminale cassent les anciennes filières. Selon Jean-Michel Blanquer, cela ne conduit pas àune pré-orientation. Le site de l’Éducation nationale « Quand je passe le bac.education.fr » ne dit pas autre chose : « Une formation de l’enseignement supérieur ne peut pas exiger un enseignement de spécialitéen particulier ». Pourtant, on peut aisément imaginer que certains établissements n’hésiteront pas àrefuser des candidats dont le profil ne correspondra pas àleurs attentes. Comment peut-on croire qu’une classe préparatoire scientifique accepte des élèves qui n’auront pas acquis une solide base en mathématiques ou en physique ? De la même façon, et contrairement àce qu’affirme le ministre, il sera très compliqué pour les élèves de changer de spécialitéentre la première et la terminale.

Quelles solutions reste-t-il ? Pour Jeanne Kerboua, c’est simple, les élèves devront s’inscrire, aux frais de leurs parents, dans des cours privés afin de compléter leur formation durant leur cursus au lycée. « Les offres privées commencent àfleurir », observe-t-elle. Par ailleurs, certaines options vont disparaître dans certains lycées. Soit il faudra faire venir des professeurs d’autres lycées, soit il faudra privilégier le télé-enseignement. « Qui va payer ? » demande-t-elle. Autre question, que se passera-t-il pour les options qui n’auront été choisies que par un tout petit groupe d’élèves ? Cela dépendra du proviseur qui décidera soit de les maintenir, soit de les supprimer.

Notes :

[1Le nom a été modifié