Disparition

Marcel Trillat, le journaliste des sans voix, éteint sa caméra

par Philippe Allienne
Publié le 25 septembre 2020 à 14:40 Mise à jour le 28 septembre 2020

Journaliste et documentariste, militant du PCF puis partisan du Front de gauche, syndiqué CGT, né le 4 avril 1940 à Seyssinet-Pariset (Isère), mort le 18 septembre 2020. Ainsi commencent les trois longues pages de la notice du Matron consacrée à Marcel Trillat. Journaliste engagé, comme l’on dit, il avait adhéré au Parti communiste en 1956, l’année où il était entré à l’École normale de Grenoble. À cette époque, cet établissement était un foyer bouillonnant des mobilisations contre la torture en Algérie, la censure et la répression qui accompagnaient cette guerre coloniale. Après ses études (il va s’inscrire en Lettres à Lyon puis à Grenoble encore), il ne va pas tarder à rencontrer Pierre Desgraupe, l’un des piliers de l’émission de reportage de l’ORTF « Cinq colonnes à la Une ». C’est là qu’il va faire ses premières armes d’intervieweur. C’est là aussi qu’il va connaître la censure. En 1967, il tourne Le premier mai à Saint-Nazaire, avec Hubert Knapp, sur les chantiers navals. Le film est interdit de diffusion. Alors, il vole les bobines pour en empêcher la destruction. Ce film existe aujourd’hui en DVD. En 1968, il participe activement à la grève de l’ORTF où il est pigiste. Lorsque le travail reprend, il en sera écarté avec une centaine d’autres journalistes statutaires et une vingtaine de pigistes. Qu’à cela ne tienne, il travaille pour la coopérative Scopcolor, dirigée par le journaliste Roger Louis. Il s’exerce plus que jamais au reportage sociétal, un genre dont ne veut pas la télévision d’État. Parallèlement, il participe à la réalisation de films et d’émissions pour le PCF et la CGT. Il a notamment collaboré à La CGT en mai 68, Le frein ou la fleur carnivore, Étranges étrangers, tous trois diffusés par la CGT en 1970. Marcel Trillat collectionne les interviews d’ouvriers et de techniciens. Il interviewe aussi un certain Georges Marchais pour l’émission « Expressions directes » diffusée sur l’ORTF par les partis politiques. Un des grands moments de sa vie fut son expérience à la radio Lorraine Cœur d’Acier, à Longwy. Cette radio, qui avait commencé à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, avait été lancée pour soutenir la marche des sidérurgistes sur Paris, le 23 mars 1979. En 1981, il rejoint Antenne 2 dont le nouveau président est... Pierre Desgraupe. Il va par la suite être nommé chef du service société de France 2, correspondant permanent à Rome en 1987, directeur-adjoint de l’information en 1989 et correspondant permanent à Moscou en 1991. Il quitte la rédaction en 2000. Auparavant, il a réalisé des reportages pour « Envoyé Spécial ». Infatigable, il a réalisé trois documentaires fameux sur le monde ouvrier : Trois cents jours de colère (2002), Les prolos (2003) et Femmes précaires (2005). Dans les années 2000, on le croise dans le Nord, notamment à Lille, où il s’intéresse encore et toujours au monde ouvrier. Inoubliable Marcel.