Le 1er mai

Porteur d’un idéal humaniste qui garantit son avenir

par Philippe Allienne
Publié le 30 avril 2021 à 11:21 Mise à jour le 4 mai 2021

En 1989, Georges Séguy, alors ex-secrétaire général de la CGT, avait consacré un livre au centenaire du 1er mai, la Journée internationale des travailleurs : 1er Mai, les 100 printemps, en collaboration avec l’Institut CGT d’histoire sociale (éditions Messidor/éditions sociales). Nous l’avons rouvert.

Que peuvent avoir de commun le 1er Mai et la tour Eiffel ? » La question amusait le dirigeant syndical. Il l’avait d’ailleurs reprise dans l’avant-propos de son livre. C’était pour lui une façon de montrer la méconnaissance de l’histoire du 1er mai par les premiers concernés : les travailleurs. « Le 1er Mai est né le 20 juillet 1889 à Paris, 42, rue de Rochechouart, à la fin du congrès constitutif de la IIe Internationale socialiste, réuni à l’occasion du centenaire de la Révolution française. » La même année que la tour Eiffel. La connaissance trop limitée de cette histoire peut paraître d’autant plus étonnante que l’universalité de la Journée internationale des travailleurs « dépasse et de loin celle des plus prestigieux événements historiques ou des plus ferventes fêtes religieuses », écrivait-il. Il y a fort à parier que les choses ne sont pas arrangées 32 ans plus tard. Les nouvelles générations, les nouvelles conditions de travail, la désindustrialisation, la montée du télé-travail peuvent expliquer le désintérêt que peut susciter le 1er mai. D’aucuns y voient une fête du travail et non la journée des travailleurs. Pourtant, expliquait Georges Séguy déjà à l’époque, les multiples tentatives d’ensevelir dans l’oubli, d’occulter ou de falsifier l’histoire du 1er mai, étaient dans le vent. C’est d’ailleurs pourquoi, expliquait-il, « le mouvement syndical, et en son sein essentiellement son courant révolutionnaire de classe, a le devoir, je dirais même le devoir sacré, d’entretenir et de cultiver dans la mémoire collective ouvrière cette exaltante histoire dont il est l’héritier et le continuateur ». Au fil des 251 pages de l’ouvrage, le lecteur revit un siècle de mouvement social, à commencer par la revendication de la réduction de la durée du travail qui devait aboutir à l’objectif commun des travailleurs des pays industrialisés : la journée de huit heures. Cette idée de réduire la durée du travail, raconte l’auteur, est née avec le travail salarié et a donné lieu à divers anticipations utopistes dès le XVIIIe siècle. Cette aspiration a été ensuite exportée aux États-Unis et en Australie par les émigrants européens, notamment les Anglais. Le livre ne manque bien sûr pas d’évoquer le 1er mai tragique, en 1886, à Milwaukee, et l’explosion d’une bombe au milieu des policiers, deux jours plus tard à Chicago. Cet épisode états-unien ouvrit la voie à l’avènement d’un 1er mai universel comme allait le lancer trois ans plus tard, à Paris, l’Internationale socialiste. Mais Georges Séguy n’a eu de cesse de s’inquiéter du déclin inexorable et de la « disparition inévitable », voire de la « mort fatale du 1er Mai ». Il se trouve que son extinction a été prédite très tôt, dès sa naissance, par des commentateurs au sein du mouvement syndical réformiste ou anarcho-syndicaliste. Pourtant, se réjouit l’auteur, « mille fois déclaré mort et enterré, le 1er Mai a autant de fois ressuscité, toujours plus rayonnant et attractif  ». Alors, haut les cœurs. Reprenons la conclusion de ce livre qu’il faut garder : « Le 1er Mai est porteur de cet idéal humaniste, c’est ce qui garantit son avenir. Il continuera à s’adapter aux changements, aux besoins nouveaux de la lutte en se renouvelant pour se dépasser.  »