Yves Rocher rend les femmes plus belles… et pour cause

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 8 mars 2019 à 20:48 Mise à jour le 7 mars 2019

Mieux qu’un slogan publicitaire, une réalité par la grâce de la direction d’Yves Rocher. Ce « diamant » du capitalisme français qui compte cinquante millions de clients résidant dans quatre-vingt-dix pays, qui emploie quinze mille salariés, qui traite autant de commandes par jour, qui réalise un chiffre d’affaire de 2,5 milliards d’euros, ce mastodonte de l’industrie cosmétique rend les femmes belles. En particulier ses salariées. D’ailleurs, à Gebze, près d’Istanbul, en Turquie, ces dernières le disent haut et fort et publiquement chaque jour. Ce vendredi 8 mars, elles seront cent trente-deux à brandir des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Ce n’est pas le maquillage mais la résistance qui embellit ». Un slogan que n’aurait pas osé inventer le plus créatif des publicitaires maison et qui sort tout droit de l’imagination toujours fertile de la classe ouvrière en lutte.

Explication. Il y a un an, les ouvrières de la filiale turque d’Yves Rocher (Flormar), lasses de leurs mauvaises conditions de travail et des bas salaires (230 euros mensuels) ont décidé de constituer un syndicat afin de déboucher les oreilles d’un patronat sourd à leurs plaintes et revendications. Sur un effectif de trois cent quatre-vingts salariés, cent trente-deux y adhèrent rapidement. Réaction de ceux qui ont décidé de faire le bonheur des dames : cent trente-deux licenciement sous des prétextes tels que « la mise en danger des biens et des personnes ». Le syndicalisme étant comme chacun le sait une arme de destruction massive.

Se soutenir mutuellement

Pour toutes ces ouvrières et employées, le choc a été violent. D’autant que le travail se fait de plus en plus rare dans le pays. La Turquie a beau être qualifiée d’atelier bon marché de l’Europe occidentale, elle compte trois millions et demi de chômeurs soit 11,1% de la population active, en augmentation de plus de 1,1% par rapport à l’année précédente. Un fléau dont les femmes se taillent la part de la lionne.

Dans ces conditions, perdre son travail est une véritable catastrophe. Frappé du sceau de l’injustice, cela devient doublement insupportable. Ne se laissant pas submerger par l’accablement, les ouvrières et employées d’Yves Rocher Turquie ont résolu de se soutenir mutuellement, d’agir pour être réintégrées. Elles ont puisé dans leur mouvement une énergie, une force qu’elles affichent donc chaque jour en scandant aux portes de l’entreprise : « Ce n’est pas le maquillage mais la résistance qui embellit ».

Au siège de la multinationale en France, interrogés sur cette sale affaire de traque aux syndiquées, les propriétaires ont courageusement renvoyé leurs interlocuteurs vers la direction de la communication. Sa réponse : « Nous avons le souhait de laisser les équipes sur le terrain gérer la situation ». Quelle intrépidité de la part des possédants d’Yves Rocher qui déclarent sur la page d’accueil de leur site vouloir « rendre la beauté et le bien-être accessibles à toutes les femmes », ajoutant sans rire que cette exigence « fait partie de l’ADN du Groupe » ! 8 mars, journée internationale des droits des femmes. A celles et ceux qui envisagent ce même jour de franchir le seuil d’un magasin Yves Rocher dont on mesure mieux les causes du succès économique : ne faut-il pas penser aux femmes en lutte en Turquie avant de se décider à passer le pas de la porte ?