Humour

Quand l’€glise de la Très $ainte Consommation honore ses plus fidèles apôtres...

Avion

Publié le 3 février 2020 à 11:28

Après une première cérémonie dans un théâtre Sébastopol de Lille archicomble, un détour par Bruxelles puis Dunkerque, l’€glise de la Très $ainte Consommation faisait étape à Avion pour la remise de ses Doigts d’or. Un événement majeur qui assurément restera dans les annales... Les pauvres et les brebis égarées n’ont qu’à bien se tenir, sans blague !

À l’époque je m’étais égaré mais à force de rencontrer ces gens qui nous protègent des États prédateurs, dispendieux, qui encouragent l’assistanat, ces fonctionnaires qui ne travaillent pas... D’ailleurs j’ai beaucoup hésité avant de venir à Avion. Y’a des communistes ici !

Mais bon la salle est hermétique, on est entre nous, entre amis, entre riches. À force de côtoyer ces gens je suis allé à Jersey, à Bruxelles, en Suisse... et auprès de tous ces gens j’ai fini par comprendre leur logique. On nous pique tout l’argent qu’on gagne à la sueur de notre front et de nos petits bras. On fait pas 35 mais 60 heures et puis on crée de l’emploi, on génère de la richesse. Ceux qui veulent être riches ils n’ont qu’à se démerder, ils n’ont qu’à bosser après tout. Vivre aux crochets de l’État, la France surendettée qui vit au dessus de ses moyens depuis trop longtemps, ça suffit !

On peut comprendre qu’on mette son argent à l’abri, qu’on ouvre des comptes en Suisse, à Jersey, qu’on ouvre des comptes offshore aux Bahamas. C’est sympa les Bahamas, les yachts faut bien les amarrer quelque part. À Antibes pour amarrer son bateau c’est 30 000 euros par an, aux Bahamas 780 ! C’est la loi du marché, chacun se démerde. Alors je dédie ce trophée à un ami très proche, Patrick Balkany, victime de magistrats bolcheviks. D’ailleurs qu’est-ce qu’on veut à Carlos Ghosn ? Il a fait un peu d’évasion, et alors ? Il faut bien payer son mariage à Versailles.

Mais qui a donc pu tenir ces propos, plus hallucinants que provocateurs, voire expiatoires ? Un sénateur PCF du Nord bien connu de nos colonnes. Éric Bocquet a reçu des mains du PAP 40 le Doigt d’or de « l’ennemi public numéro 1 » [1]. De bonne grâce, il s’est plié à l’exercice du récipiendaire dans l’esprit d’une cérémonie où le qualificatif de « décalé » paraît bien faible. Caustique, humoristique, parfois carrément trash, le PAP 40 (alias Alessandro Di Giuseppe) a donc donné l’absolution - ou sa bénédiction, comme vous voulez - à Éric Bocquet au nom de l’€glise de la Très $ainte Consommation, religion des temps modernes reposant sur cette sainte écriture : « Amen, ton pèze ». Et on peut dire qu’au palmarès des vainqueurs, notre sénateur était bien entouré.

Une cérémonie décalée

Dans une salle Aragon d’Avion aussi remplie que bruyante, le PAP 40 et son acolyte, le cardinal Triple A (Aurélien Ambach Albertini), ont essaimé au fil de la soirée les distinctions. Le Doigt d’or du meilleur chien de garde (Pascal Praud n’a pas gagné, c’est dire la concurrence féroce), le Doigt d’or de la meilleure réplique, de la meilleure publicité ou encore le Zap d’or de la bravoure policière, toutes ces distinctions étaient organisées à l’identique des cérémonies des César ou du festival de Cannes.

Éric Bocquet, sénateur PCF du Nord recevant sa récompense à Avion le 22 janvier.
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Malheureusement certains n’ont pu venir chercher leur trophée. On pense à Patrick Balkany, retenu, ou encore à Jacques Chirac qui, lui, avait une bonne raison... C’était aussi l’occasion de revisiter l’actualité récente sous l’angle de la déconnade, de l’impertinence, de la mauvaise foi (sic) qui bien souvent mettent le doigt - d’or - sur la cruauté, la bêtise et l’absurdité du monde tel qu’il tourne. Celui du monde financier, ses prédateurs et serviteurs essentiellement, autant dire qu’il y a du monde au portillon.

L’occasion enfin de régler leur compte aux écolos, ces « milichiants  » comme à nos jeunes, parce que « les générations futures, elles avaient qu’à être là avant !  » En résumé, tous ceux qui n’obéissent pas aux préceptes stricts de l’€glise de la Très $ainte Consommation (objectif de la croissance éternelle, l’argent est mon Dieu, la possession ma passion, oublie le jour du repos, la consommation est quotidienne) n’ont plus qu’à prendre leur billet pour l’enfer. Miracle (?) le public est sorti avec la banane et, espérons-le, peut-être, l’envie de retourner la table des gouvernances de tout poil qui mènent l’humanité droit dans le mur.

Ce soir-là, on apprenait la disparition de Terry Jones, éminent membre des Monty Python. Il aurait sans nul doute donné sa bénédiction à ce type de cérémonie déjantée.

La tournée nationale des Doigts d’or se poursuit sur un train d’enfer de 26 dates. La dernière aura lieu à Lille, à l’Univers, le 23 février, dans le cadre de la «  semaine de l’effondrement durable ». Tout un programme.

Notes :

[1Qui, vous l’avez compris, « salue  » la lutte sans merci du sénateur contre l’évasion fiscale.