Marcher dans les rues d’une ville sans avoir peur de se faire frapper, car l’on tient la main d’un.e partenaire du même genre. Même le temps d’une après-midi par an, cette possibilité a été saisie avec fougue par les pionnier.e.s de la Gay Pride. « Pour moi c’était le plus beau jour de l’année. La Gay Pride était à l’époque un lieu de retrouvailles où – même si les premières années nous n’étions que quelques milliers à Paris –, il y avait la notion d’entraide, de partage et évidemment beaucoup de sourires », se souvient Didier Lestrade, journaliste, écrivain, figure historique du mouvement gay français mais aussi de la lutte contre le sida. Le 28 juin 1969, un bar gay à Manhattan, le Stonewall Inn, est la proie d’une violente descente policière. Il s’ensuit cinq jours de révolte dans le quartier de Christopher Street, contre la répression des forces de l’ordre. L’année suivante, les premières gay prides ont lieu à Chicago, San Francisco, New York et Los Angeles. En France, dix ans plus tard, en juin 1979, la Gay Pride prend place à l’aube de « l’arrivée de la gauche au pouvoir. C’était vraiment un moment génial de fraternité, d’engagement aussi, car il fallait beaucoup de courage. Par contre, il n’y avait pas d’aspect festif comme on le voit aujourd’hui, pas non plus de slogans ou de pancartes. C’était juste une marche. »
À partir de 1995, les sponsors s’accaparent l’événement
Portée par cet engouement et des médias militants, tels que Le Gai Pied (devenu Gai Pied Hebdo), la Pride parisienne voit ses rangs se renforcer d’année en année et logiquement, attirer les marques. « La fin des années 80 marque le début de professionnalisation avec des chars commerciaux qui prennent place et des énormes sound systems. L’événement est alors dissocié de la lutte contre le sida, mais cela va changer en 1990 », retrace Didier Lestrade. Cofondateur d’Act-Up avec Pascal Loubet et Luc Coulavin, il donne à la Gay Pride une autre dimension, avec un message beaucoup plus politique et de nombreux nouveaux participants, massivement jeunes. À tel point que d’autres Prides sont organisées en France. Marseille initiant le mouvement en 1994 avant d’être suivi la même année par Rennes, puis Nantes, Montpellier et Toulouse en 1995, ou encore à Lille, Lyon et Bordeaux l’année suivante. Avec l’Europride de 1995 qui attire 300 000 personnes dans la capitale, les marques commencent à sponsoriser les cortèges festifs et à en faire un business qui sera critiqué par les militant.e.s de la première heure. Toutefois, ce développement attire des foules de plus en plus nombreuses dans une société qui évolue et le début des années 2000 est marqué par une volonté de renforcer l’aspect festif de l’événement. En 2001, la manifestation devient la Marche des Fiertés et se concentre sur l’objectif de la visibilité des minorités sexuelles et de genre. « C’est à ce moment là que j’ai arrêté d’aller à la Gay Pride, quand les revendications ont disparu. Il n’y a presque plus de colère alors qu’à sa naissance après les événements de Stonewall, la Pride était une réaction à la haine. La perte d’équilibre entre message politique et marketing est devenue gênante, poursuit Didier Lestrade. Il faut aujourd’hui continuer à se battre pour la prévention et l’information ainsi que contre l’instrumentalisation des homosexuels qu’opère ce gouvernement virant de plus en plus au fascisme. » Avec le projet de loi, puis l’adoption du Mariage pour tous en 2013, la politique revient sur le devant de la scène. Les gays friendly viennent en nombre dans les cortèges et affichent leur soutien face aux attaques des catholiques réactionnaires et de la droite extrême de la Manif pour tous. « Je crois que l’avancée de la visibilité des LGBT a créé un nouveau type de rejet, ce fameux combat contre l’esprit woke. On pensait que les cathos intégristes allaient mourir d’eux-mêmes, mais leurs petites forces peuvent empêcher la prévention à l’école, la projection de films LGBT, etc. La jeune génération se focalise sur les questions d’identité et prône une fluidité sexuelle très intéressante, mais le militantisme politique des années 90 s’est perdu et les forces réactionnaires en profitent. » Preuve en est pas plus tard que ce lundi 22 mai, où après cinq dégradations en moins de trois mois, le Centre LGBTI de Touraine a été attaqué à l’explosif. Un nouvel acte homophobe qui s’ajoute aux milliers recensés chaque année. Dans son rapport annuel, SOS Homophobie a relevé, en 2022, une hausse de 27 % de ces attaques, par rapport à 2021.
Plus de 20 000 participant.e.s attendu.e.s à Lille
Pour sa 26e édition ce 27 mai, la Gay Pride de Lille va, pour la première fois, proposer un village s’étalant sur l’ensemble de la place de la République. Trois fois plus grand que lors des dernières années, il réunira de 11 h à 20 h pas moins de 36 stands associatifs, commerciaux et de restauration. « Un battle de drag-queens animera les lieux de jusqu’à 14 h, moment où s’élancera notre défilé dans les rues de Lille, présente Franck Chiron, président de l’organisation. C’est un jour pour rappeler à chacun que l’on doit être fier de qui l’on est. » Des concerts et des prises de paroles auront lieu pour mêler « les concepts festifs et engagés de la Pride. Tout le monde est convié, rappelle Franck Chiron. Quand on partage des moments forts comme ça, les gens se rapprochent. Notre seule différence est sexuelle. »
Ce week-end
Un programme haut en couleurs va animer les rues de Lille pendant tout le week-end afin de soutenir la cause LGBT. C’est un rendez-vous important pour lutter contre les discriminations. Les festivités commenceront dès ce vendredi à 18 h avec plusieurs soirées organisées dans différents bars de la ville. C’est samedi que la Pride battra son plein. Un village sera installé place de la République à partir de 11h et comprendra 36 stands. Des DJ assureront l’ambiance durant toute la journée. Une marche des fiertés partira de la place à 14h, pour faire le tour du quartier avant de revenir aux stands du village. Un pique-nique géant clôturera la journée. Dimanche, les festivités se poursuivront dans les bars de la ville. Le programme pouvant changer à tout moment, nous vous conseillons de suivre l’actualité de la Pride sur lillepride.org.
Programme complet :
Vendredi 26 Mai > 18h : – lancement officiel du week-end pride avec Le grand bingo drag au profit du collectif Lille pride au Kitchen Market (27 Rue des Tanneurs) – Bayard (153 Rue Nationale) : Rétro Disco 90′ – Kokalan (37 Rue Royale) : Dj set funk disco By Luxia – Privilège (2 Rue Royale) : Before Jungle Flowers Dj Morgan Klein – Silom bar (138 Rue Nationale) : Transformiste Night, Dj SET – Aux Bains : La before c’est aux Bains, dés 20h, Pool Party ! Cocktail et nombreux lots offerts .
Samedi 27 mai :
- 11h : Village Pride place de la République à Lille Au programme : Dj’s, spectacles, Drag-Show, prises de parole, 36 stands, buvette, restauration et food-truck, associations et commerces. Le Village reste ouvert pendant toute la marche.
- 14h : Marche des fiertés depuis le Village Pride (place de la République) puis retour pour les animations.
- 18h : 4 soirées officielles pride (entrée gratuite) – Silom bar (138 Rue Nationale) : Show GOGO, Dj SET – Privilège (2 Rue Royale) : Jungle Flowers Dj’s Nicox & Morgan Klein – Kokalan (37 Rue Royale) : Happy night, Dj set électro By Banana smoothie – Bayard (153 Rue Nationale) : Soirée Anges & Démons
- 19h : Pique-nique des Flamands Roses (en extérieur) puis soirée associative au centre LGBTQIFA+ « J’En Suis, J’Y Reste »
- 00h – 06h : Clôture officielle au Slalom (84, Rue de Trévise) Entrée de 10€ à 15€ hors frais
Dimanche 28 mai :
- 18h : 3 soirées (entrée gratuite) – Kokalan (37 Rue Royale) : Candy night 80’s – Privilège (2 Rue Royale) : Apéro Drag Show Birdy Leeen & Miss Coco, Suivi de Dj Cutink – Silom bar (138 Rue Nationale) : Drag Battle Lip Sync, Dj SET – Aux Bains : L’after ! c’est aux Bains Ouverture exceptionnelle dés midi , Barbecue géant offert sur l’une de nos 3 terrasses.