J’ ai passé le concours de première année de médecine à Lille, rue Paul-Duez, en 1994. L’amphithéâtre était trop petit pour 1 800 étudiants. Les cours étaient retransmis en direct dans deux salles télé. Un prof avait parlé des prévisions démographiques qui établissaient qu’à partir de 2010, il y aurait plus de départs à la retraite que d’installations. « La plupart d’entre vous exerceront dans des déserts médicaux. » En 1996, j’ai étrenné la nouvelle faculté Henri-Warembourg, inaugurée en 1997 par Jacques Chirac. Une fac déjà trop petite pour accueillir tous les carabins. Puis chaque fermeture de lit a réduit nos terrains de stage. Comment produire plus de médecins dans ces conditions ? Je me suis installée en 2005 en milieu semi-rural. J’ai vu partir à la retraite des généralistes, des spécialistes. J’ai vu fermer des hôpitaux et des maternités. Des trésoreries. Des écoles. Disparaître des centres communaux d’action sociale dans les communes de moins de 1 500 habitants, suite à la loi NOTRE. Les gares se sont éloignées. Mais on a eu les bus Macron ! Aujourd’hui j’exerce en désert médical, comme annoncé. Un désert tout court, dépourvu de service public de proximité, résultat de 25 ans de politique d’urbanisation et de concentration des activités et des services autour des métropoles. Et qu’annonce Élisabeth Borne ? Un plan ruralité déployant 100 médicobus ! Après les vaccinobus, les bus itinérants France Service, de la Carsat, ou même les crèches Baby Bus ! Le gouvernement annonce aussi 4 000 maisons de santé de plus, alors qu’on ne compte plus celles sans médecin. À moins que la future loi Immigration n’exclue les médecins diplômés hors Union européenne. Parce-que la loi Valletoux vise, entre autres, à faciliter leur exercice en contrepartie d’un contrat d’engagement de deux ans sur un territoire. Quitte à créer des déserts médicaux dans leurs pays d’origine. Au pire, on leur refilera nos bus.