Yvonne Meyfroodt-Devernay n'est plus

« Un livre qui se referme »

par Franck Jakubek
Publié le 20 janvier 2020 à 15:33

Elle aurait aimé fêter les cent ans du Parti communiste. Militante depuis toujours, engagée, Yvonne Meyfroodt-Devernay nous a quittés vendredi 17 janvier à l’âge de 98 ans. Depuis plusieurs mois, fatiguée, elle avait dû quitter son appartement de Wazemmes pour un établissement plus adapté.

Née dans une famille de militants, elle a toujours su porter, avec un sourire infatigable, les valeurs que lui ont été inculquées très tôt. Son père, Edgard Devernay, un des fondateurs du PCF, était secrétaire de la fédération du Nord et membre du comité central. Il eut la charge de Lille, mais aussi la région Nord-Pas-de-Calais. Sa grand-mère paternelle, Maria Delory, sœur du premier maire socialiste de Lille, Gustave Delory, avait été l’une des fondatrices du Parti ouvrier, en 1882, avec Jules Guesde et Paul Lafargue ! Elle mena un combat permanent pour le bien-être des enfants dans les écoles, avec la création notamment des cantines scolaires. Son époux, le grand-père d’Yvonne, Gustave Devernay, militant socialiste, avait été le rédacteur d’un journal positionné à gauche intitulé Le moustique lillois ! « Yvonne Devernay avait de qui tenir. Elle était la dépositaire vivante d’une longue histoire liée à celle du mouvement ouvrier dans notre région. Elle racontait souvent avoir participé, toute petite, à un défilé à Lille, dans le courant des années 20, rue Nationale, sur les épaules de Marty, l’un des “mutins de la mer noire” », confie Jean-Louis Bouzin, ancien rédacteur en chef du journal. « Elle m’accusait d’ailleurs de ne lui avoir jamais rendu la photo qu’elle m’avait prêtée... ce dont je me suis toujours défendu. » sourit-il en l’évoquant.  

Une mémoire vivante

Elle se souvenait aussi avoir vu Joseph Hentgès, l’ancien maire d’Hellemmes, l’un des responsables du parti clandestin en 1940, parmi les otages détenus à Lille par les Allemands. Elle accompagnait l’épouse d’Alexandre, un camarade de Wazemmes, responsable du syndicat des locataires, venue lui apporter un colis. Et Alexandre leur avait présenté Hentgès qui devait être fusillé au Vert-Galant peu de temps après…   « Yvonne était un témoin d’autant plus précieux qu’elle garda une excellente mémoire jusqu’à un âge très avancé. Ce n’est pas une page qui se tourne. C’est un livre qui se referme » souligne-t-il.

Yvonne est née le 22 août 1921. Elle a été mariée à Cyril Meyfroodt décédé malheureusement il y a déjà plusieurs d’années. Yvonne Devernay a travaillé au tri postal à la Gare de Lille au tout début de la guerre durant l’hiver 39-40, puis à la Sécurité sociale. Militante syndicale, elle gérait un magasin d’alimentation des coopérateurs, à Lille, puis à Lomme. Commune dans laquelle elle a été candidate aux municipales pour le PCF en 1977, sur la liste conduite par Georges Vermeersch, bien avant que Lomme soit associé à Lille. À la retraite, elle revient s’installer à Lille dans le quartier de Wazemmes. Elle n’a jamais cessé de militer à la cellule PCF du quartier, la cellule René Denys, dont elle était une des figures.

Yvonne Meyfroodt-Devernay, militante de toujours
Au 70e anniversaire du Front populaire organisé par la section de Lille, à l’espace des Acacias d’Hellemmes en 2006.
© Marc Dubois

Généreuse, bienveillante, avec des convictions solidement chevillées au corps, elle mettait chaque instant à profit pour aider et assurer du soutien scolaire. Elle avait particulièrement pris sous son aile, une femme seule avec deux enfants, qu’elle a soutenu le plus longtemps possible. L’aînée est d’ailleurs devenue professeur de mathématiques dans un lycée de Roubaix. Son caractère bien trempé et sa fidélité constante à ses idées ont marqués tous ceux qui ont pu la rencontrer. Lors de la guerre d’Espagne, ses parents avaient accueilli une fillette espagnole de son âge avec laquelle elle est restée en relation et lui rendait visite en Espagne.

« Je me souviens de ses souvenirs de la Résistance, avec Martha Desrumaux et Arthur Ramette, qu’elle me racontait lorsque je la voyais dans son quartier de Wazemmes. Elle était une grande dame emplie de simplicité et de modestie mais au tempérament et aux idéaux et valeurs inébranlables  » évoque Didier Polidor, ancien responsable PCF à Lille.   Lectrice et soutien de l’Humanité et de Liberté Hebdo, elle participait encore aux manifestations jusqu’à son départ en maison de retraite. Son attachement aux valeurs de solidarité et de fraternité, son sourire que rien ne pouvait éteindre, pensions-nous, manquent déjà.  

La cérémonie funéraire aura lieu mardi 21 janvier, à 15 h 30, au funérarium d’Herlies (59). La fédération du PCF, ses amis des vétérans et du PCF lillois, et toute l’équipe de Liberté Hebdo présentent leurs condoléances, à ses enfants et à toute sa famille.