© Pierre Gauyat
Grève des enseignants

Il est urgent de mettre de l’humain dans les écoles

par Philippe Allienne
Publié le 14 janvier 2022 à 11:19

Par son ampleur, la mobilisation des enseignants, ce jeudi 13 janvier, marque le ras-le-bol de ces derniers face aux indécisions et à l’incohérence du ministre de tutelle Jean-Michel Blanquer. Le protocole sanitaire, plusieurs fois amendé, s’avère ingérable. Surtout, la pandémie et ses évolutions brouillent encore plus les cartes. Les députés communistes et le candidat à l’élection présidentielle rappellent les fondamentaux et en profitent pour remettre quelques idées en place.

« À peine quatre jours après la reprise, nous sommes nombreuses et nombreux à faire le constat que nous courons droit dans le mur et que, d’ici quelques jours, “l’école va craquer’’. Malgré son rôle majeur dans la circulation épidémique, le maintien d’une “école ouverte’’ sans les conditions protectrices nécessaires, en présence d’un variant extrêmement contagieux, inquiète et pèse sur la sécurité des élèves, des familles et des personnels des écoles. L’allègement du protocole sanitaire, avec notamment la fin de l’isolement des cas contacts chez les enfants de moins de 12 ans, les reculs sur les périodes d’isolement des cas positifs ou la fin des fermetures de classe dès trois cas positifs, n’a pas de sens. »

« Avec vous, c’est école ouverte ou classes fermées ! »

Ce courrier, adressé par un directeur d’école de Roubaix aux parents d’élèves, traduit le désarroi de toute une profession. Cela explique en partie la grève et la mobilisation sur le pavé de ce jeudi 13 janvier. « Les nouvelles consignes de dépistage applicables depuis la reprise, écrit cet enseignant, sont synonymes de pressions supplémentaires sur les familles comme sur l’ensemble de la société, en l’absence d’anticipation sur les stocks de tests ou les capacités d’analyse des laboratoires. » Autre sujet de mécontentement : les moyens, en termes de masques et de capteurs de CO2 dans les classes.

Lire aussi : « 14 propositions pour une école des jours heureux »

Tout cela s’ajoute à la grande souffrance de l’école qui existait bien avant le début de la pandémie de Covid-19. Le programme des jours heureux porté par Fabien Roussel pour la présidentielle propose 14 propositions de fond (lire en page 9). Mais le député communiste est aussi intervenu à l’Assemblée nationale, devant le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer. « Avec vous, a-t-il dit à son adresse, c’est école ouverte ou classes fermées, et ce sont les inégalités sociales qui s’aggravent. Maintenir les écoles ouvertes et garantir la sécurité des personnes dans les établissements, c’est possible et sans en faire des garderies. » Les députés communistes demandent que l’État assume pleinement ses responsabilités. « Nous disons que c’est à l’école que les tests doivent être faits et quand un élève est positif, il reste chez lui, les autres sont en classe », exprime Fabien Roussel. Il faut pour cela mettre des auto-tests à disposition suffisante dans les établissements scolaires.

Le prétexte de la décentralisation

Même chose pour les équipements de détecteurs de CO2. Il en faut dans chaque classe, rappelle le député-candidat, et il faut qu’ils soient financés par l’État. Benoitement, le ministre répond qu’il voit là un « vrai sujet » et précise que l’État a développé un fonds de 20 millions d’euros en soutien des collectivités locales. Il promet d’en ajouter si cela s’avère nécessaire. Mais aussitôt, il botte en touche en soulignant que cette participation accrue de l’État signifie un « recul de décentralisation ». Et d’ajouter : « Notre position c’est que les collectivités sont en responsabilité, et nous en soutien pour celles qui ont le plus de difficultés. » Un argument peu sensé au vu des réalités et du coût des capteurs d’air, plus élevé que les 50 euros unitaires comme le prétend M. Blanquer. L’argumentation du ministre ne tient d’ailleurs pas davantage quand il assure avoir d’ores et déjà pourvu à l’équivalent de 6 000 salariés ETP (équivalents temps plein) pour le remplacement des enseignants absents. « C’est ce qui nous permet de faire face aux problèmes que nous vivons sur le terrain, plus ceux liés aux tests » jure-t-il encore. Les enseignants à bout de souffle et à bout de nerfs auront apprécié et l’ont bien exprimé ce jeudi. Remplacer et aider les enseignants atteints du Covid est bien sûr indispensable. Fabien Roussel et les députés communistes réclament 10 000 recrutements dès le 1er février. Mais pas n’importe comment. « Au lieu de faire appel aux retraités vulnérables, faites appel aux jeunes qui sont sur les listes complémentaires des concours de 2021, à ceux qui ont passé le concours et qui étaient admissibles à l’oral, proposez aux contractuels que vous embauchez un vrai temps plein, une formation et la possibilité d’être titularisé, et lancez une campagne de pré-recrutement d’étudiants à bac +3 en alternance [avec un salaire de 1 800 euros - ndlr]. Ils pourront ainsi aller en classe et en même temps se former. » Avant de demander au représentant du gouvernement de « mettre de l’humain dans les écoles », le député lui demande encore de soulager « les élèves de première et de terminale et qui aujourd’hui ne savent pas dans quelles conditions ils vont pouvoir passer les épreuves du bac. Ne faut-il pas repousser en juin les épreuves de spécialité prévues en mars ? » Autant de questions concrètes et dont la réponse est urgente. Le ministre n’y répond pas.