Retraites

La mobilisation change de forme mais demeure

Publié le 31 janvier 2020 à 16:50

Hourra ! Les trains roulent. Les médias dominants sont heureux d’annoncer la fin de la grève, et pourquoi pas la fin de la mobilisation. Les trains roulent, les cortèges ont fait leur cure d’amaigrissement. Mais alors, pourquoi sont-ils détournés, comme à Lille, par le préfet du Nord ? (Lire en pages 6 et 7) En fait, les Français continuent dans leur grande majorité à refuser le projet de réforme des retraites. Car personne n’y trouve son compte.

Pas plus tard que ce mercredi 29 janvier, à Aulnoye-Aymeries, les cheminots qui en étaient à leur 54ème journée de grève ont jeté symboliquement une partie de leur uniforme. Comme l’avaient fait les avocats pour leur robe, comme l’avaient fait les professionnels de la santé. Toutes les professions en fait, toutes les catégories sont concernées. Aucune ne renonce à faire plier le gouvernement.

C’est le cas pour les femmes dont le Premier ministre a prétendu qu’elles seraient gagnantes. En fait, c’est exactement l’inverse. L’Ugict CGT le démontre en rappelant une situation très dégradée : temps partiel, plafond et paroi de verre qui empêchent un déroulement de carrière normal et des salaires en adéquation avec leurs métiers, inégalités chez les cadres... Ces inégalités vont donc se reproduire au moment de la retraite : pensions inférieures, départ tardif à 67 ans souvent pour éviter la décote (une femme sur 5 contre un homme sur 12). À cela s’ajoute le fait que 37 % des femmes retraitées perçoivent une pension brute inférieure à 1 000 euros (909 net) contre 15 % des hommes. En moyenne, la pension des femmes est inférieure de 42 % à celle des hommes.

Que changerait, pour les femmes, la réforme si elle était appliquée ? Avec la prise en compte de l’ensemble de la carrière (au lieu des 25 dernières années et des six derniers mois dans le public) le montant des pensions baisserait. Il faudra en effet y voir l’effet du temps partiel, des interruptions pour raisons familiales ou de chômage. Par ailleurs, en bloquant le financement du système de retraite à son niveau actuel, 14 % du PIB, et alors que la proportion de retraité(e)s augmente, tout le monde va y perdre. Mais les femmes seront encore plus défavorisées quand elles auront eu des carrières plus courtes.

Il faudrait, au contraire, diminuer le temps de travail pour permettre aux femmes comme aux hommes de s’occuper des enfants, revenir à la prise en compte des meilleures années pour le calcul de la retraite, lutter contre le sous-emploi des femmes, les temps partiels et la précarité, et mettre en place un service public de la petite enfance pour permettre aux femmes de continuer à travailler. Comme on peut le lire dans un récent numéro de la Revue Espaces Marx [1] consacré au dossier des retraites, « c’est un changement complet de civilisation qui sera nécessaire pour venir à bout de ces inégalités ». Le projet Macron-Philippe en est à des siècles.

Alors, aujourd’hui, on parle d’essoufflement du mouvement en espérant passer par la méthode des ordonnances. Pourtant, sur le terrain, on entend un tout autre son de cloche. Ainsi, par exemple, cette conductrice de TER (CGT) qui confie à l’Humanité (datée du 27 janvier) qu’« après avoir mené 51 jours de grève, la lutte a changé de forme et mise plus sur des temps forts que sur de la reconductibilité. Ça ne signifie pas que le mouvement s’essouffle, comme ils le prétendent. Les mobilisations démarrent dans de nombreuses entreprises du secteur privé, dans les ports  ».

La réforme est encore bien loin des pages du Journal officiel.

Notes :

[1Revue Espaces Marx n°42. Second semestre 2019. 6bis, rue Roger-Salengro, Hellemmes-Lille.