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Nouvelle journée de contestation

Le 1er mai, les salariés et leurs syndicats veulent montrer à Macron qu’aucune page n’est tournée

par Philippe Allienne
Publié le 21 avril 2023 à 17:15

Le chef de l’État croyait avoir clos la séquence « réforme des retraites et contestation sociale » en le décrétant à la télévision le 17 avril dernier. Erreur, les salariés majoritairement opposés à la réforme des retraites ont décidé d’écrire une nouvelle page de leur lutte le 1er mai prochain.

Je ne vois pas l’intersyndicale se rendre à l’Élysée de sitôt. » Pour le secrétaire de l’Union départementale de Force ouvrière Jean-Jacques Leleu, à Amiens, l’allocution d’Emmanuel Macron tue toute possibilité de dialogue. Lui qui défend sa ligne réformiste et favorable à la négociation n’a plus de mots. À la CFE-CGC, le président de l’UD de l’Aisne ne dit rien d’autre. Ces organisations qui n’ont pas l’habitude de la confrontation musclée conviennent que la discussion avec l’Élysée et le gouvernement est devenue impossible. Toutes les organisations de l’inter-syndicale sont d’accord pour continuer à rejeter le recul de l’âge de départ en retraite à 64 ans et pour continuer à se battre et d’espérer la tenue d’un référendum d’initiative partagée. Tous promettent un Premier mai historique. Ce serait le premier d’une telle ampleur depuis la manifestation de 2002 (pour dire non au frontiste Jean-Marie Le Pen parvenu au second tour de l’élection présidentielle contre Jacques Chirac) et celle de 2009 sur fond de crise financière. Dès avant le Premier mai, la mobilisation se poursuit avec les manifestations spontanées et les concerts de casseroles un peu partout, les blocages de ronds-points (comme à Amiens), le mouvement des cheminots ce 20 avril et celui des énergéticiens le 28. Chaque organisation s’attache à préparer un Premier mai particulièrement fort. « Le regard des Français sur la démocratie a changé, constate Mathias Wattelle à l’Union locale CGT de Lille. Ils ne sont pas dupes. On leur demande de mettre un bulletin de vote dans l’urne pour ensuite donner l’impression d’un totalitarisme. » En 13 minutes, lundi dernier, Emmanuel Macron est parvenu à donner une image contraire de la vraie autorité, celle qui, explique en substance l’historien Pierre Rosanvallon, n’a pas besoin de coercition, de violence et de mensonges. « Dès la crise des Gilets jaunes de 2018, nous avions prévenu qu’il y avait un problème avec les institutions et un risque de crise démocratique. Nous y sommes », assure la secrétaire régionale de la CFDT, Perrine Mohr. Quand à la feuille de route présentée par le président, les syndicats pointent ce qui va encore raviver la colère (réforme du lycée professionnel, RSA, immigration...) et les dossiers présentés sans moyens : enseignement et hôpital publics.

Leur appel à manifester le 1er Mai

Perrine Mohr Secrétaire régionale de la CFDT (Hauts-de-France)

« J’ai trouvé l’intervention du président extrêmement décevante. Après trois mois de mobilisation historiques, de tous les secteurs du monde du travail, depuis les années 90, il n’a pas eu un mot pour les travailleurs. Il a annoncé une série de mesures sans préciser avec quels moyens il compte les mettre en œuvre. Je pense notamment à l’éducation nationale et à l’hôpital public. C’est certain, la mobilisation unitaire du Premier mai sera elle aussi historique et nous faisons le nécessaire, avec l’intersyndicale, pour que les gens et leur famille puissent se joindre aux cortèges en toute sécurité. J’en suis convaincue, la loi peut être abrogée. »

Jeany Poullain Président de l’UD CFE-CGC de l’Aisne

« J’ai choisi de boycotter l’allocution du président. Il va imposer sa feuille de route sans discuter. Il balaie d’un revers la démocratie. À la CFE-CGC, nous n’avons pas l’habitude de nous montrer vindicatifs. Mais là, il faut comprendre les réactions spontanées dans la rue et les concerts de casseroles. Cela va se produire de plus en plus. Je veux croire à l’organisation d’un référendum d’initiative populaire. Mais ce qui nous fait peur, c’est que le gouvernement tente à nouveau de demander à l’Urssaf de collecter les cotisations pour les caisses de l’Agirc-Arrco. Je souhaite en tout cas un Premier mai exceptionnel et nous soutenons les grèves engagées. »

Jean-Jacques Leleu Secrétaire général de l’UD FO de la Somme

« Après trois mois de mobilisation, le président ne nous écoute pas et a refusé de rencontrer l’intersyndicale. Il n’y avait pas lieu d’écouter son allocution. Quant à la décision du Conseil constitutionnel, il a certes jugé sur le droit, mais il a retiré les mesures concernant les seniors. Cela dit, chez FO, nous avons d’autres propositions donnant par exemple la préférence à l’emploi des jeunes et des départs progressifs pour les seniors à partir de 58 ans. Mais rien n’a pu être discuté. Personnellement, je m’inscris dans le courant réformiste de Force ouvrière et je préfère toujours la négociation. Ici, on voit que ce n’est plus possible. »

Mathias Wattelle Secrétaire de l’UL CGT Lille

« Le président Macron a voulu tourner la page dans le grand livre de sa vie présidentielle. Il se donne 100 jours pour parvenir à l’apaisement. Il ne devrait pas oublier que le 14 juillet (le terme des 100 jours) est une date symbolique. Aujourd’hui, 90 % de la population active et 70 % des Français continuent à se batte pour la non application de la réforme. Cela s’entendra bien sûr le Premier mai. Dans la métropole lilloise, où les transports publics urbains ne fonctionnent pas ce jour là, la mobilisation sera démultipliée. À Lille même, nous pourrons compter sur la présence de délégations belges et anglaises. Pour marquer leur solidarité à notre combat. »