Covid-19

Une visite ministérielle à Dunkerque qui cache les réalités

par Philippe Allienne
Publié le 26 février 2021 à 10:22

« Pas de dernière chance ! » Tel est le message que voulait faire passer le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors de sa visite à Dunkerque ce 24 février. Sur ce territoire, le taux d’incidence de contaminations à la Covid-19 a dépassé les 900 pour 100 000 habitants et l’arrivée du variant anglais y est pour beaucoup. Pour autant, le déplacement ministériel a-t-il réellement répondu aux attentes ?

Après le cas de Nice, voici donc venu celui de Dunkerque, en attendant peut-être la métropole lilloise dans les prochains jours suite aux concertations qui auront lieu cette semaine, tel que l’a annoncé le Premier ministre lors de la conférence de presse du jeudi 25 février. 57 communes sont concernées par ce confinement localisé et limité au week-end, du vendredi soir au lundi matin. Cela représente plus de 250 000 habitants sur les dix-sept communes de la Communauté urbaine de Dunkerque et les quarante de la Communauté de communes des Hauts de Flandre voisine. Pour freiner la circulation du virus, dix mesures phares ont été énoncées :

  • Confinement le week-end dès ce vendredi soir, sauf pour motifs essentiels.
  • Les achats de première nécessité et motifs médicaux sont autorisés.
  • Les commerces, autres que de première nécessité, seront fermés.
  • Port du masque obligatoire sur l’ensemble de l’agglomération.
  • Fermeture des dix surfaces commerciales de plus de 5 000 m2 avec fonctionnement du click & collect uniquement.
  • La jauge est revue à 15 m2 par personne dans les surfaces commerciales alimentaires.
  • Mise en place d’un protocole sanitaire maximal sur les marchés.
  • La vente d’alcool à emporter et sa consommation est désormais interdite sur la voie publique.
  • 16 700 doses de vaccins supplémentaires seront fournies à ce territoire.
  • Les contrôles se poursuivront en ce qui concerne les mesures sanitaires mais aussi les passages à la frontière.

Sens des responsabilités

Pour Bertrand Ringot, le maire de Gravelines, il faut compter sur « le sens des responsabilités des habitants, leur élan solidaire et leur bienveillance ». À Dunkerque, le maire Patrice Vergriete, qui avait agacé le gouvernement quelques jours plus tôt en exprimant son impatience dans le Canard Enchaîné, ne se dit pas moins satisfait. Mais comme il n’y avait pas de consensus dans le Dunkerquois (des élus demandant un sursis pour éviter un nouveau confinement), le gouvernement montre les muscles et envoie son ministre de la Santé flanqué de la ministre chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, incidemment candidate à l’élection législative partielle dans la 6ème circonscription du Pas-de-Calais. Le ministre parle et organise sa sortie en trois temps, il s’en va et laisse le préfet finaliser et prendre les arrêtés nécessaires.

« Le ministre s’est fichu de nous »

Que reste-t-il de cette grande opération médiatique ? « Le ministre s’est fichu de nous » s’exclame un responsable local du PCF. Et de passer en revue les mesures annoncées : le port du masque ? Il était déjà obligatoire, comme il l’est en zone urbaine dans les villes de plus de 10 000 habitants. « En revanche, dit-il, le ministre aurait pu faire une dotation de masques efficaces. Quand son collègue de l’éducation nationale dit qu’il faut des masques aux normes Afnor 1 dans les écoles, il serait bien que les plus démunis puissent aussi en disposer. Or, ces derniers doivent se contenter de masques bon marché, et sans doute peu efficaces. » Second grief : les 16 700 doses de vaccin supplémentaires : « C’est bien, mais la vaccination va-t-elle augmenter de manière substantielle quand on sait qu’il y a saturation au niveau national, que toutes les personnes qui y ont droit sont loin d’être toutes vaccinées ? Et que dire des brevets pour lesquels on refuse de lever les droits, empêchant une fabrication en masse des vaccins ? Que dire aussi des traitements de la maladie elle-même quand on sait que celui sur lequel travaille l’Institut Pasteur est retardé faute de moyens et de feu vert de l’Autorité de santé ? »

Climat anxiogène

Mêmes regrets quant aux tests ou aux lits de réanimation prévus dans le cadre du Ségur de la santé mais que l’on ne voit pas venir. Regret encore en ce qui concerne la prime Covid dont n’ont pas bénéficié les premiers soignants infectés par le virus. La liste est longue, sans compter cet aspect psychologique qui consiste à mettre en doute le bon comportement des Dunkerquois. Ce fut, et c’est encore le cas, pour le soupçon qui pèse sur ceux qui auraient fêté le carnaval. C’est le cas aussi avec l’interdiction portée sur la vente d’alcool (sur le département du Nord), « une mesure qui tend à laisser croire que les gens sont alcooliques et irresponsables ». « Dans un contexte de crispation, ce n’est peut-être pas la meilleure idée. » Comme l’écrit le docteur Prudhomme, dans l’Humanité, « la stratégie du maintien d’un climat anxiogène se poursuit sans prendre en compte les dégâts qu’il cause dans la population et qui ont été amplement soulignés par des médecins, des enseignants, des directeurs de maisons de retraite, mais également par de nombreux citoyens, que ce soient des étudiants ou des résidents en Ehpad ».

(Photo : Les Dunkerquois seront dorénavant confinés le week-end à partir de ce samedi 27 février © Photo Ville de Dunkerque)