Métropole lilloise

La démocratie universitaire liquidée par les tutelles

Publié le 10 décembre 2021 à 18:03

Sans surprise, Régis Bordet a été élu président de l’Université de Lille ce mardi 7 décembre. Le voilà à la tête du tout nouvel établissement public expérimental (EPEx) voulu par la Macronie.

Ancien enseignant-chercheur en pharmacologie, il se présentait sur la liste « Élan collectif », notamment contre les opposants à l’EPE (« Pour une alternative à L’Epex »). Il est chargé de mettre en œuvre le regroupement, à partir de l’année qui arrive, de l’Université de Lille et de quatre grandes écoles : l’École supérieure de journalisme de Lille, Sciences Po Lille, l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage (Ensapl) et l’École nationale supérieure des arts et des industries textiles de Roubaix (Ensait). En tout : 76 000 étudiants. Cette élection intervient après celle, les 8, 9 et 10 novembre, des membres du CA de l’EPE. Le 23 novembre, ceux-ci, rejoints par un représentant des écoles composantes et par les représentants des tutelles (CNRS, Inserm, Inria, CHU, IPL, MEL, Région) ont désigné les sept « personnalités extérieures » qui viennent compléter le CA. Les opposants de l’EPEx n’hésitent pas à parler de victoire à la Pyrrhus à propos de l’élection de Régis Bordet. La liste « Élan collectif », minoritaire en nombre de voix et même de sièges (malgré la prime majoritaire en collège A) parmi les personnels, est parvenu à faire désigner huit des personnalités extérieures qu’elle avait proposées grâce au soutien des représentants des écoles et des tutelles. Alors que les listes « Pour une alternative à l’Epex » ont recueilli à peine 200 voix de moins que les listes « Élan collectif » (1 045 contre 1 266 voix dans les trois collèges A, B et BIATSS) et alors que les étudiants, dont la participation a augmenté par rapport à 2019, ont plébiscité les listes syndicales opposées à l’EPEx (54 % au total pour les listes Unef et Solidaires-FSE), la liste « Élan collectif » s’est assurée une majorité écrasante toujours grâce aux représentants des écoles et des tutelles. Grâce aussi aux personnalités extérieures désignées ce 23 novembre. « C’est là, estime Thomas Alam, maître de conférence en sciences politique et tête de liste, en collège B, de « Pour une alternative à l’EPEx », l’une des nouvelles preuves du caractère anti-démocratique de l’EPEx, dérogatoire au code de l’Éducation, puisque le nombre de membres non élus du CA a été doublé. » Il explique que la désignation des personnalités extérieures lors de la séance du 23 novembre s’est faite en dehors de toute procédure sérieuse (l’EPEx ne dispose pas encore de règlement intérieur, contrairement à ce que prévoit l’article 10 des statuts). Surtout, cette désignation n’a donné lieu à aucun débat sur les profils des personnalités extérieures retenues. Les listes « Élan collectif » n’ont même pas pris la peine de présenter les personnalités pour lesquelles elle ont voté. De même, le questionnement porté par les élus opposants des éventuels conflits d’intérêts et le besoin d’une déclaration publique d’intérêts a été balayé. Or, cette question n’est pas anodine : on trouve parmi les personnalités désignées deux représentants d’Eurasanté ou encore une directrice d’une entreprise américaine de biotechnologies, ancienne lobbyiste passée par Bercy, Bénédicte Garbit. « Même si Régis Bordet et Élan collectif disposent désormais d’une majorité confortable au conseil d’administration grâce à l’apport des voix des extérieurs, mais sans une majorité chez les élus des personnels et des étudiants, notre travail collectif et intersyndical dans les instances se poursuivra au cours du mandat », promet Thomas Alam.