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Patrice Bardet

Une figure militante lilloise s’en est allée

par Roland Diagne
Publié le 9 avril 2021 à 16:30

Voilà une tête bien connue des milieux militants lillois, appareil photo en bandoulière, il se faufilait dans les rangs des manifestants, devant les portes d’usine ou parmi les tentes des grévistes de la faim sans-papiers pour immortaliser les hauts faits d’armes des luttes sociales. Reconnaissable à ses cheveux, sa barbe et sa moustache grisonnants, il était toujours là comme il se doit à son poste de combattant faisant grève, participant aux manifestations, aux actions et il n’avait pas non plus sa langue dans sa poche et pouvait avoir un sacré et dérangeant coup de gueule. Oui c’est vrai, il était excessif parfois dans la polémique parce qu’écorché à vif par les injustices qu’il ne supportait pas. Patrice ne supportait pas que les organisations ouvrières, démocratiques, anti-racistes, antifascistes, anti-sionistes tergiversent parfois et manquent à ce qu’il considérait comme leur devoir militant de solidarité. Sans-papiers, anti-fascisme, Palestine, Georges Ibrahim Abdallah et luttes CGT, voilà des luttes qui lui tenaient à cœur et sur lesquelles Patrice ne transigeait pas. Bien entendu, il n’avait pas toujours totalement raison, mais reconnaissons lui qu’il avait souvent un peu raison. Oui, comme certains d’entre-nous pouvaient lui dire en toute amitié qu’il exagérait un peu parfois les divergences dans notre camp. Mais il était entier dans son engagement, dans sa volonté de lutte et dans son obsession de laisser à la postérité les images et photos qui, dans son esprit, étaient « l’antidote contre les mensonges et salissures des médias patronaux » comme il aimait le dire. Rendre toute son humanité aux luttes de la classe ouvrière, des travailleurs, des humains sans-papiers nés quelque part ailleurs, des Rroms, des mal-logés, des SDF, voilà comment Patrice se figurait sa contribution à la résistance populaire. Patrice rejoint ainsi les figures des luttes sociales lilloises qui nous ont quittées : Rudolpe Bkouche, Fernand Lecomte, Denis Cacheux, Rachel Garbaz, Manie-Samson Danielle, Fatima Skanari, Jacques Leclerc, Jean-Marc Lavigne, Véronique Desenclos, Jean Pierre Leroy, le père Gérard Naissant, Jacques Vintaer, Luc Dumey, Raymonde Cauterman, Suzanne Calonne, Béatrice Thellier, Lionel Dammaretz, Maurice Titran, Georges Hage, etc. Dans le « Panthéon » de la longue marche des sans-papiers pour les papiers pour tous, il est clair que toutes ces figures sont inscrites en lettres d’or auprès des figures nationales comme Léon Schwartzenberg, l’Amiral Sanguinetti, Albert Jacquard, Guy Bedos, etc. Il nous faut développer la transmission aux générations actuelles de toutes les luttes sociales, la mémoire des luttes de nos anciens qui ont gagné par les luttes en 36, 45, 68 tout ce que nous peinons actuellement à préserver. Mais il faut aussi transmettre la mémoire même des luttes récentes (ces 25 dernières années) à travers notamment les personnages qui ont marqué d’une empreinte importante nos combats défensifs récents, gagnés ou perdus. Pourquoi ne pas rebaptiser notre espace public en le dé-esclavagisant, décolonisant et dé-criminalisant en lui donnant des noms de nos figures militantes pour remplacer les Faidherbe, les Bugeaud et Thiers ? Voilà une question à poser pour la prochaine élection municipale. Voilà pourquoi Patrice et tous ceux et celles qui sont partis doivent continuer à éclairer les luttes d’aujourd’hui pour préparer les victoires de demain. Reposez en paix, camarades, la lutte continue, on ne vous oublie pas !