Santé

Le Coronavirus est un révélateur de la crise hospitalière

par Philippe Allienne
Publié le 6 mars 2020 à 16:41 Mise à jour le 9 février 2021

423 cas de Coronavirus étaient recensés en France ce 5 mars. Un patient, originaire de l’Oise, est décédé au CHU de Lille. La crise s’inscrit dans un contexte de malaise extrême de l’hôpital public.

Loïc Pen, ex-chef urgentiste à Creil, ne cache pas sa colère. « La situation épidémiologique actuelle, liée au Coronavirus, est un révélateur de la situation hospitalière. » De toute façon, on n’arrêtera pas ce qui devient une épidémie. « Il est clair, explique-t-il, qu’il est plus difficile d’accueillir 1 000 patients en une journée que sur une semaine. »

Plannings illégaux

Mais surtout, les cas de Coronavirus demandent plus de personnel, plus de temps, plus de moyens. Or, les services de l’hôpital public étaient déjà saturés. « Je n’ai jamais douté de la capacité du CHU de Lille, et de la compétence et de la mobilisation des médecins et des équipes médicales », dit Isabelle Bosseman (CGT), à Lille. « Mais au CHU comme ailleurs, on est à la corde. Nous manquons de moyens et d’effectifs, nous n’avons plus de marge de manœuvre. » Le constat est le même, comme il l’est pour l’ensemble du territoire. « Une chance, souligne Isabelle Bosseman, nous n’avons pas eu à faire face à une grosse épidémie de grippe à laquelle se seraient ajoutés les cas de coronavirus. » La marge de manœuvre, en fait, porte sur les heures supplémentaires. Les plannings sont de plus en plus illégaux avec des horaires de 12 heures au lieu de 8. « À Creil, des infirmières font plus de 58 heures hebdomadaires », dit Loïc Pen. C’est insupportable. » La CGT est d’ailleurs intervenue sur ce sujet. Mais c’était avant le Coronavirus. L’ urgentiste frémit lorsqu’il entend les louanges sur les équipes médicales. « Quand il y a une crise, les personnels sont mobilisés dans leur tête. Ils se rendent disponibles. » Comme à Lille et d’autres hôpitaux où des étudiants en médecine se sont portés volontaires. Mais cela ne change pas le problème sur le fond. « Le risque, dit encore Loïc Pen, c’est d’entendre plus tard le ‘“plus jamais ça’’. » Les fuites du personnel médical vers le privé ne sont plus à prouver. Les démissions non plus. Sans compter les arrêts de travail.

Un système mis à mal

Le départ de la ministre Agnès Buzyn pour la campagne municipale n’est pas un bon signal. Son successeur est dans la même logique : la réduction des coûts, la recherche d’économies. « Le gouvernement est dans une logique de mettre à mal le système hospitalier public pour privatiser les pôles les plus rentables. » Au contraire, pensent les défenseurs du service public, il conviendrait d’anticiper sur les crises en formant des praticiens et en recrutant. On est loin de cette logique. Comment alors expliquer cette queue de budget de 2019 qui a été sortie pour les circonstances :260 millions d’euros ! Les hospitaliers, dont les urgentistes, qui crient famine depuis de très longs mois, n‘ont jamais rien obtenu. Les plans présentés par le gouvernement se sont toujours révélés plus qu’insuffisants.