Les habitants d'Avion face à la porte-parole du gouvernement

Témoignage d’un des participants, Raymond Frackowiak

Publié le 25 octobre 2019 à 19:23

« Les 250 places du Familia suffisaient à peine pour le public présent. Il a fallu s’imposer pour avoir la parole, car la première question sur « la réforme des retraites » a mobilisé la salle sur le sujet. De nombreuses questions ont été posées sur le chômage, le pouvoir d’achat, la formation, les compteurs Linky, la plate-forme téléphonique du SMUR… Le débat a été correct, aucune agression de part et d’autre. J’en ai déduit que le cas des mineurs n’est plus discuté au sein du gouvernement [...]  »

Voici l’intégralité de l’intervention-question posée par le secrétaire régional CGT des retraités et veuves de mineurs lors du débat du 18 octobre au cinéma Le Familia d’Avion (62) entre les habitants et Madame Sibeth Ndiaye , secrétaire d’État auprès du Premier ministre et porte-parole du gouvernement :

« Madame, nous vous accueillons dans notre ville d’Avion, au cœur du Bassin Minier Nord-Pas-de-Calais. L’exploitation charbonnière a marqué profondément notre région, développé des branches importantes de notre industrie, qui ont permis après la Seconde Guerre mondiale la relance économique de la France.

La mine était pourvoyeuse d’emplois, la mine organisatrice de vies, tout lui appartenait, la mine destructrice de vies aussi.

Les mineurs ont payé un lourd tribu pour gagner la bataille du charbon, ils ont payé de leur vie, dans des catastrophes nombreuses et encore aujourd’hui, la mine tue les retraités mineurs par la silicose, voir l’amiante, la reconnaissance restant difficile.

Raymond Frackowiak à l’avant-dernier rang de la salle après son intervention
© DR

Après la bataille du charbon

Garantir la gratuité des soins, c’est prendre des mesures pour un réel zéro reste à charge pour tous les mineurs et leurs ayants droit comme le prévoit le Décret d’août 2011. Les baisses successives de budget de l’ASS de 5 % en 2017, 10 % en 2018, 5 % en 2019, vont à l’encontre de ces dispositions.

La COG (Convention d’Objective et de Gestion) 2018-2022 doit donner lisibilité et confiance en l’avenir de l’offre de santé de la CAN, afin de facilité le recrutement des médecins, généralistes, spécialistes attendus et dont ont tant besoin les mineurs ainsi que les populations de notre région.

Que le contrat passé hier avec la corporation c’est aujourd’hui tenir compte des besoins des mineurs et de leur famille : des travailleurs qui après une vie de labeur ne « peuvent plus arquer, plus avancer », beaucoup d’entre eux connaissent ainsi une situation de santé moins bonne que le reste de nos concitoyens et ont besoin d’une offre de soins, d’accompagnement médical et social et de prévoyance spécifique.

Pour toutes ces raisons, l’État se doit de graver dans le marbre que le régime minier doit assurer et garantir les droits de ses affiliés et ce jusqu’au dernier.

Pour le maintien à domicile

Le maintien à domicile de nos personnes âgées est une bonne chose car celles-ci souhaitent rester dans leur environnement le plus longtemps possible. Sauf qu’il y a un « hic » on ne trouve pas de personnel suffisant pour répondre aux besoins. Pourquoi ! Parce que ce métier d’aides à domicile est pénible, n’est pas rémunéré à sa juste valeur. Parce que les organismes n’ont pas les moyens de financer le déplacement entre deux malades, qui reste à la charge des aides à domicile.

Dans les EHPAD, les arrêts maladies sont nombreux et répétitifs… « Burn-out », mal de dos, fatigue, agressions (involontaires) par les malades. Un membre du personnel doit s’occuper de douze malades dans certains services. Le week-end, se sont trois membres du personnel pour 60 malades, répartis sur 3 niveaux.

Le transfert du régime minier au régime général en juillet 2015 a désorienté nos petits vieux face à une organisation de la santé, différente du régime minier en matière d’information de proximité.

Le traitement des différents sujets, surtout en matière de maladie professionnelle, nécessite parfois 2 ans avant d’avoir une réponse positive ou négative. Les plates-formes téléphoniques ne répondent pas aux principes d’informations. Le traitement des courriers, même en recommandé, se perdent dans les services.

La règlementation du régime particulier des mineurs est interprété différemment par les services du régime général, un recours est nécessaire à la CRA. La Fédération des mineurs CGT a demandé la création d’une caisse unique avec la CANSSM et l’ANGDM qui conforterait le régime minier.

800 euros de reversion

En ce qui concerne le pouvoir d’achat de la corporation, entre 2001 et aujourd’hui, les mineurs retraités et veuves n’ont obtenu que 3 % d’augmentation de leur retraite.

La réversion est depuis 1994, bloquée à 54 % de la retraite de l’époux décédé.

Si l’indemnité de logement et chauffage représente une partie infime de leur pouvoir d’achat, elle ne comble pas le retard de 34 % de leur retraite par rapport au régime général.

Nos couples de retraités, dont le mari a toujours travaillé au jour, font partie des 14 % de pauvres annoncés dernièrement, en dessous du seuil de 1 000 €. Nos veuves font partie de ces pauvres avec des réversions en dessous de 800 €. Avec ces petits moyens, ils ont répondu à la précarité de leurs enfants, voir petits-enfants, sans emploi.

Par respect des mineurs licenciés en 1948 pour fait de grève qui, après avoir gagné la bataille du charbon, ont été licenciés, emprisonnés, pour certains jamais réintégrés et n’ont obtenu qu’une réparation partielle dans le cadre de la Loi d’amnistie de 1981 alors que les généraux félons de l’OAS ont retrouvé tous leurs droits sans rien demander. Quand une loi est votée, nous pensions naïvement qu’elle s’appliquait à tout le monde, même à ceux qui l’ont votée.

Au 7 octobre 2019, le régime maladie traite 31 766 ayants droit pour la région Nord et le Pas-de-Calais, 105 803 au niveau national. En 2018, 54 959 retraités perçoivent une rente pour le Nord et le Pas-de-Calais. La moyenne d’âge de nos retraités est de 79,8 ans. Merci de m’avoir écouté. »