« Vous vous rendez compte de ce que l’on suggère ? Que l’on pourrait comme ça impunément lacérer des tentes, qu’on l’encouragerait ? » « Ce n’est pas les policiers et les gendarmes. Une fois que les gens étaient partis, la lacération, que j’ai faite arrêter, était faite par une société privée. »
Des équipes mandatées par l’État
Ces derniers jours, Messieurs Darmanin et Dupont-Moretti, respectivement ministre de l’Intérieur et ministre de la Justice, se sont exprimés sur les plateaux de télévision à propos des lacérations de tentes des personnes exilées à la frontière franco-britannique. À Calais et à Grande-Synthe, des opérations d’expulsion des lieux de vie où les personnes exilées sont installées sont régulièrement orchestrées par les autorités dans le cadre de la politique de « lutte contre les points de fixation ». Nous dénonçons une succession de mensonges. Sur le terrain, les observations de Human Rights Observers, projet de l’Auberge des Migrants, prouvent le contraire. Premièrement, les lacérations et destructions ne sont pas des actes individuels et isolés de la part des sociétés de nettoyage APC (Calais) et Ramery (Grande-Synthe) mais répondent bien à une politique gouvernementale, relayée par les préfets. En effet, les équipes de nettoyage qui interviennent pendant les expulsions sont mandatées par l’État à travers des marchés publics passés avec les préfectures, et elles n’interviennent jamais seules. Elles sont toujours encadrées par les forces de l’ordre qui dirigent les opérations. D’autres représentants de l’État ou personnes dépositaires de l’autorité publique sont également souvent présents. A Grande-Synthe par exemple, elles ont généralement lieu en présence et sous les yeux d’un huissier de justice et régulièrement du Sous-préfet de Dunkerque et de représentants de la Mairie.
Délit pénal
Les observateurs HRO, qui documentent les expulsions depuis 2017, n’ont jamais vu aucune de ces autorités agir pour empêcher les lacérations ou les destructions des tentes et abris. Ensuite, contrairement à ce qu’affirme Monsieur Darmanin, ces lacérations n’ont pas cessé. A Grande-Synthe, elles sont quasiment systématiques, les dernières preuves que nous avons datent du 18 novembre. Ce matin encore, le 30 novembre 2021, à Grande-Synthe, même si nous n’avons pas observé de lacération, les abris et les tentes ont été détruits, parfois alors même que des personnes exilées se trouvaient à l’intérieur. Le caractère illégal de ces pratiques ne fait aucun doute : d’une part la destruction de biens d’autrui constitue un délit pénal, d’autre part, toute atteinte portée aux tentes des personnes exilées constitue une violation du domicile. Enfin, même dans le cadre d’une expulsion, les biens meubles sont protégés par la loi, s’ils ne sont pas récupérés par leurs propriétaires au moment de l’expulsion, ils doivent être inventoriés par un huissier de justice puis déposés dans un lieu spécifique pour récupération ultérieure. Bien sûr, les associations ne se satisfont pas de laisser les personnes exilées vivre dans des tentes. Cependant, rien ne justifie la destruction illégale des abris de fortune utilisés par ces personnes en situation de grande vulnérabilité en l’absence d’hébergement digne. Par conséquence, et au vu des faits énoncés, l’équipe de Human Rights Observers dénonce les mensonges prononcés par des ministres et demande à l’État d’arrêter de nier sa responsabilité dans ces destructions et d’avoir le courage de changer de politique, pour une politique d’accueil, respectueuse des droits fondamentaux des personnes et de l’Etat de droit.