Gilles Dellbos

Ces acteurs pubics et privés qui s’emploient à réduire les inégalités alimentaires

par Mourad Guichard
Publié le 14 avril 2023 à 15:07

Élus, acteurs associatifs, paysans... dans les territoires, ils sont autant d’acteurs à œuvrer au quotidien pour permettre aux populations les plus éloignées de la production bio et durable d’avoir accès à une alimentation de qualité. « L’alimentation n’est pas qu’une question de goût ou de qualité, c’est aussi une question de santé », insiste Raphaëlle Delporte, chargée de projet emploi et alimentation chez Bio en Hauts-de-France. « Et le frein économique est loin d’être le seul obstacle. » Tout comme la musique classique ou l’opéra, l’accès à une nourriture saine serait donc aussi culturel. En 2022, en se focalisant sur les populations les plus défavorisées, l’association a distribué 7 500 paniers sur six territoires des Hauts-de-France. « Nous nous sommes rendu compte qu’en privilégiant les allocataires des minima sociaux, nous loupions les retraités, les travailleurs pauvres et les étudiants précaires », explique la cadre associative. « Il ne faut pas perdre de vue que l’alimentation est le premier budget que l’on revoit en cas de difficultés. » Pour Florence Delférière, adjointe communiste au maire de Saint-Amand-les-Eaux (Nord), il est d’autant plus important d’investir dans une restauration scolaire de qualité. « Même si ce n’est pas la majorité de nos enfants, certains ne font qu’un repas sain par jour, d’où l’intérêt d’y consacrer les moyens nécessaires. » Dans cette commune progressiste, les familles payent le repas en fonction de leurs revenus. La seule production coûte entre 4 et 5 euros. Un repas, tous frais compris, revient à 15 euros. « Nous sommes clairement déficitaires, mais c’est un service qu’attend notre population. Il suffit de voir l’attrait croissant de la restauration scolaire pour s’en convaincre. » L’élue a cependant un souhait : avoir accès à des producteurs locaux aux portes de sa commune. Dans une autre commune, celle de Bailleul-sur-Thérain, la mairie investit dans un restaurant aux vocations multiples. « Les équipes prépareront les repas pour l’ensemble des écoles, soit environ 200 unités par jour », explique Béatrice Lejeune, maire socialiste de cette commune de l’Oise. « On pourra également y déjeuner comme dans un classique restaurant gastronomique. » La Ville pratique déjà le repas à un euro pour les familles percevant le Smic ou moins. Ici, les décisions concernant les cantines scolaires sont prises en concertation avec le conseil municipal des enfants et une diététicienne attitrée. « Quand on sait que 30% des familles font le choix de sauter un repas par manque de moyens financiers, ces investissements ont toute leur raison d’être. »

Les paroles à...

Béatrice Lejeune, maire socialiste de Bailleul-sur-Thérain (Oise).

« Depuis notre arrivée en 2014, plusieurs initiatives ont été prises en faveur de la sensibilisation des enfants de nos écoles, comme la création d’un atelier culinaire tous les mardis sur le temps du périscolaire. Ils concoctent des plats simples, mais qui leur permettent de s’initier à la création de leur propre nourriture et d’apprendre à consommer différemment. Nous avons parallèlement créé des kits goûters comprenant une gourde, une boîte à gâteaux, le but étant de convaincre les parents de délaisser les goûters industriels emballés au profit d’une fabrication maison avec un fruit en accompagnement. Même s’il y a encore du travail de terrain, ces initiatives sont très appréciées des enfants et des parents. »

Jean-Michel Lepage, paysan dans l’Amiénois, porte-parole de la Confédération paysanne pour le Nord-Pas-de-Calais.

« Nous élevons des vaches laitières flamandes et bleues du Nord, et produisons du beurre, de la crème fraîche, du fromage frais, de la tomme... Nous sommes référencés producteurs bio. Quand il m’arrive d’aller dans un supermarché, je me rends compte que les prix des produits conventionnels et du bio sont équivalents du fait de l’offre et de la demande. On se retrouve, depuis un an, avec un marché excédentaire en bio et déficitaire en conventionnel. Au-delà des paysans, ce sont les consommateurs qui n’ont pas les moyens qu’il faut aider. Des gens sont dans une telle précarité qu’ils ne peuvent même pas se faire des crêpes. L’idée d’un crédit mensuel pour que ces populations soient sensibilisées au bio serait une bonne chose. »

Raphaëlle Delporte, chargée de projet emploi et alimentation chez Bio en Hauts-de-France.

« Depuis plusieurs années, nous accompagnons les territoires sur les questions alimentaires et la restauration collective. Nous oeuvrons à une accessibilité économique, culturelle et géographique aux produits bio. C’est en 2006, en travaillant avec le département du Nord, que s’est posée cette question d’accessibilité, sachant que les producteurs locaux exportaient une partie importante de leur production dans les autres territoires. Après avoir mis en place des paniers à bas coût pour les bénéficiaires des minima sociaux, et pour sensibiliser les populations les plus éloignées du bio, nous avons organisé des ateliers cuisine, des animations, des visites à la ferme. Tout ce qui peut faire sauter les verrous qui ne sont pas uniquement économiques ».

Nicolas Richard, conseiller régional EELV, membre de la commission agriculture.

« Au niveau régional, nous sommes dans une politique de discours avec peu de place laissée aux propositions de l’opposition. Le plan bio dans les cantines, par exemple, se contente des 20% réglementaires sans ambition supplémentaire. Quand nous le soulignons en commission, il nous est répondu qu’il existe un principe de réalisme. Nous sommes pourtant dans une région agro-alimentaire importante. Il y a matière à proposer du local qui ne soit pas de l’industriel. Dans les collèges ou les lycées, quand les acteurs locaux s’emparent du sujet, ils sont capables de faire des miracles. Faut-il encore leur donner les moyens financiers de développer une alimentation de qualité. »

Florence Delférière, adjointe communiste au maire de Saint-Amand-les-Eaux (Nord) en charge de l’enfance.

« Introduire des circuits courts et du bio dans les menus est un travail de longue haleine. Depuis 2020, nous sommes en constante augmentation. Sur les 180 000 repas servis par an, nous sommes déjà à 30% d’approvisionnement local et 20% de bio. Nous ne communiquons pas forcément bien sur ce travail, parce qu’il nous paraît normal. Tout comme la mise en place d’une cuisine centrale pour que les enfants aient des plats sains, avec des légumes et fruits de saison. Est-ce compliqué ? Il y a des freins, comme la capacité de certains producteurs locaux à fournir les quantités nécessaires. »