Dossier

Chaud aux urgences

par Philippe Allienne
Publié le 5 juillet 2019 à 11:38

Dans le Nord, les services d’urgence de Roubaix, Wattrelos, Seclin, Maubeuge, Douai, Dunkerque sont mobilisés et étaient, pour nombre d’entre eux, présents aux côtés de leurs collègues lillois, mardi 2 juillet, en face de l’hôpital Roger Salengro.

Près de 200 personnes ont pris part au rassemblement. Dans le Pas-de- Calais, Lens est également en grève depuis des mois. Il a été rejoint par Calais. Un mouvement d’une telle ampleur est aussi inédit que populaire. Partout, on dénonce une situation qui dépasse le seuil critique. Côté direction et ministère de la Santé, on cherche à minimiser.

Virage ambulatoire

Dans la foulée du rassemblement de mardi (reconduit la semaine prochaine), à l’appel de l’intersyndicale CGT, FO, Sud, et du collectif Inter-urgences, le service des urgences de CHU a voté un préavis de grève spécifique et a donné rendez-vous au même endroit, ce mardi 9 juillet. Aux revendications nationales portant sur une augmentation des salaires (300 euros), le manque de place en hospitalisation conventionnelle (en raison de nombreuses fermetures de lits), des revendications propres aux services lillois ont été ajoutées (lire « La crise des urgences est devenue chronique »).

La fermeture des lits est un des points les plus sensibles, explique-t-on au SMIC-CGT. On sait que le député PCF du Nord, Alain Bruneel, demande un moratoire. Il vient de prouver, en se faisant hospitaliser à Douai, l’horreur de la situation. À l’origine de ces fermetures, il y a ce que l’on appelle le « virage ambulatoire » mis en place par Marisol Touraine, la ministre de la Santé de François Hollande.

En d’autres termes, il s’agit de privilégier l’hospitalisation de jour (en ambulatoire) pour libérer un maximum de places. Ensuite, le système de tarification à l’activité (T2A) impose qu’à un lit corresponde un patient. Cela permet une occupation des lits à 100 %. Du même coup, il n’y a pratiquement plus de marge, c’est-à-dire de lits disponibles pour les personnes qui arrivent par les urgences. Ces patients restent alors sur les brancards des urgences ou dans un box pour une durée qui peut être très longue.

Le mot d’ordre est l’économie budgétaire. Le problème se pose à tous niveaux, même en maternité ou dans les services de chirurgie pédiatrique. Ces derniers explosent durant l’hiver en raison notamment de la hausse des troubles respiratoires ou pulmonaires. Ils explosent aussi durant l’été en raison de la recrudescence du nombre d’accidents. Un infirmier cite le cas d’un enfant arrivé un matin, à 10 heures, pour une fracture au bras. Il est resté sur un brancard jusqu’à 16h avant d’être monté en chambre. Il a été opéré à 18h. Etant donné l’horaire, il n’a pu rentrer chez lui que le lendemain.

Au bout du compte, les services d’urgence sont saturés, les urgentistes sont épuisés et ne peuvent faire leur métier correctement, la maltraitance se généralise et les incivilités sont légion. « A Roubaix, par exemple, l’hôpital n’a jamais vécu autant d’incivilités et de violences » ,explique Jacques Adamski, du CHSCT. La situation est devenue à ce point absurde que, par le jeu des assignations (l’obligation d’être présent dans les services), il y a davantage de personnel aux urgence lorsqu’une grève est déclarée. En attendant, le mouvement s’étend en fonction des rythmes et possibilités de chacun (de une à 24 heures). Les réponses ministérielles ne font ni chaud ni froid à un personnel particulièrement déterminé.