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Rachel Keke, Femme de ménage :

De la grève à l’Assemblée, la métamorphose

par Dominique Sicot
Publié le 21 avril 2023 à 17:11

Vous n’avez pas le droit de mettre à genoux les gens qui tiennent la France debout ! » Ce 6 février, lors des débats sur la réforme des retraites, la députée Rachel Keke (LFI/Nupes) interpelle le gouvernement et sa majorité. Elle fait vibrer les murs de l’Assemblée, cette petite phrase ! Et elle va vite les franchir, fièrement brandie depuis sur les pancartes de nombreux manifestants. Il y a un an, une inconnue briguait sous l’étiquette LFI le poste de député de la 7e circonscription du Val-de-Marne (Fresnes, L’Haÿles-Roses, Rungis, Thiais et Chevilly-Larue). Là où elle habite. Sacré défi alors que le député sortant était LREM et la succession revendiquée par l’ex-ministre des Sports Roxana Maracineanu. Certains ironisaient sur cette « femme de chambre » - gouvernante, en fait - et mère de famille, arrivée en France en 2000 à 26 ans depuis la Côte d’Ivoire, citoyenne française depuis 2015, qui osait se mêler de politique. Pas de quoi intimider Rachel, la guerrière ! Pas de diplôme de Sciences Po ? Pas d’expérience ? Pendant sa campagne électorale, elle rappellera : « Ce qui s’est passé à notre hôtel, c’est aussi politique. » Sans aucun doute ! Pendant 22 mois, de juillet 2019 à mai 2021, une vingtaine de personnes (17 femmes de chambres, deux gouvernantes et un équipier) employés pour faire les chambres de l’hôtel Ibis Batignolles, à Paris, ont mené une lutte sans relâche, fait huit mois de grève dure, soutenues par la CGT-HPE, pour dénoncer leurs conditions de travail et leurs salaires minables. Avec une énergie sans faille, Rachel a porté cette lutte, syndicaliste, négociatrice sans concession, regroupant ses troupes comme un entraîneur de foot, chantant, dansant pour sensibiliser à leur cause clients de l’hôtel et grand public.... Le groupe Accor et le sous-traitant STN ont dû plier : augmenter les salaires, baisser les cadences, payer les heures sup’... Bonne école, non ? Aujourd’hui Rachel, qui se veut « la porte-parole des sans-voix », « des essentiels » - ceux que les dominants ont fait mine de découvrir pendant l’épidémie de Covid pour les oublier bien vite -, dit se sentir bien dans ses nouvelles fonctions. Membre de la commission des affaires sociales, elle est sur tous les fronts : pouvoir d’achat, conditions de travail, situation des travailleurs sans papiers, droits des femmes... Actuellement Rachel est aux États-Unis, avec sa collègue Nathalie Oziol (députée de l’Hérault), pour rencontrer les militants qui s’y battent notamment contre la retraite par capitalisation.