Des zapatistes en tournée européenne

Des échanges fructueux au cœur du Bassin minier

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 5 novembre 2021 à 13:22

Pour marquer le 500e anniversaire de l’invasion du Mexique par les troupes coloniales espagnoles et autant d’années de résistance indigène, une centaine de zapatistes multiplient les rencontres à travers l’Europe depuis cet été. Cinq d’entre eux étaient présents dans la région la semaine dernière.

Il ne s’agit ni de demander pardon pour les crimes commis, ni de formuler des reproches. Engagés dans une démarche d’autogouvernement anticapitaliste au Chiapas depuis janvier 1994, les zapatistes viennent en Europe pour s’enquérir des expériences qui y sont menées. L’objectif de cette « conquête inversée » est bien de côtoyer les luttes européennes sur leurs territoires afin de tisser des alliances et partager des convictions et énergies communes : la défense de la vie, l’autonomie politique et le combat contre toutes les formes de domination. Après avoir traversé l’Atlantique, une première délégation a débarqué à Vigo en Espagne en juin dernier. Le 14 septembre, une centaine d’autres zapatistes atterrissaient en Autriche pour se répartir ensuite en petits comités dans différents pays d’Europe dont la France, où ils étaient présents du 12 octobre au 5 novembre. Pour les recevoir, une Zone d’accueil des luttes intergalactiques (ZALIG) s’est constituée dans le Nord-Pas-de-Calais. Composée de collectifs (CNT, Terre de Liens, CSP 59, APU, LAG, Eau… secours 62, etc.), la ZALIG leur a concocté un programme particulièrement riche en rencontres et en échanges avec des militants engagés dans la lutte contre le capitalisme et pour la sauvegarde de la planète.

Riche, mais frustrant

Après Lille, où ils ont notamment marché aux côtés des sans-papiers, leur passage dans le Pas-de-Calais a permis d’évoquer le féminisme au Planning familial à Lens ou les enjeux agricoles avec des militants de la Confédération paysanne de l’Arrageois. Il a aussi offert d’aborder de multiples thématiques, de la décroissance aux logiciels libres… Jeudi dernier, ils étaient reçus au Lieu autogéré (LAG) à Liévin par des associations du cru soucieuses d’échanger avec leurs hôtes autour de leurs pratiques respectives. Il y a naturellement été question de la situation au Chiapas où, depuis le soulèvement de 1994, les communautés indigènes sont investies dans une démarche autogestionnaire au grand dam de l’État mexicain et des multinationales… Les zapatistes sont ainsi revenus sur la place des femmes et de la religion, la violence des groupes paramilitaires à la solde des grands propriétaires terriens, le mode de gouvernance, la gestion de la criminalité, la façon de rémunérer le travail ou encore la commercialisation de la production agricole excédentaire. Pour Lucien Petit du LAG, « la lutte zapatiste dure dans le temps et s’enracine sur un territoire de la taille de la Belgique, avec la mise en œuvre d’une réelle voie autogestionnaire et la mise en place d’un système parallèle d’éducation, de santé, de police, de justice, etc. Les initiatives (autonomie des municipalités, démocratie directe) qui sont menées au Chiapas nous parlent ». Et Lucien Petit de se féliciter d’« échanges fructueux, mais parfois frustrants, tant nous aurions voulu aller plus loin, prendre plus de temps ». La délégation indigène a plus tard poursuivi son cheminement à travers le « Vieux continent » en s’envolant vers Rome.