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Un projet de loi contre l’immigration

Le gouvernement joue les « bons » contre les « méchants »

Publié le 3 février 2023 à 16:40

Voilà donc un nouveau projet de loi sur l’immigration, ou plutôt, pour contrôler l’immigration et, explique le gouvernement, faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers tout en renforçant les possibilités d’expulsion. Le texte a été présenté en Conseil des ministres le 1er février. Autant dire que les principaux concernés sont très inquiets.

Samedi 28 janvier, quelques jours avant le dépôt du texte, le Comité des Sans Papiers manifestait à Lille, vent debout, contre le projet. Dans un document que les militants distribuaient aux passants, il rappelait que le projet de loi porte sur 25 pages et 27 articles. « Le ministre de l’Intérieur, explique le CSP59, veut rendre la vie impossible pour les migrants, et cela sur la base de déclarations répétées du ministre et d’Emmanuel Macron amalgamant “étrangers = délinquants”, ce qui est clairement une politique raciste ».

Méchants partout, gentils nulle part

« Gentil avec les gentils et méchant avec les méchants. » La formule de Gérald Darmanin est abondamment commentée. Pour le CSP, la réalité c’est plutôt « méchants partout, gentils nulle part ». Le comité se réfère à une circulaire envoyée aux préfets le 17 novembre dernier et qui vise à renforcer la traque des migrants et sans papiers tout en durcissant les aspects de leur situation. « Mais, dit-il, il étend aussi son attaque à tous les étrangers et, au-delà, à tous les travailleurs et travailleuses de ce pays. Plus généralement, il accélère le développement d’un État raciste et sécuritaire, d’une société d’inégalités, de contrôle et de surveillance. »

Lors de la manifestation du samedi 25 février à Lille à l’appel du CSP 59.
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En fait, la loi comportera deux volets. Le premier visera à régulariser les « bons » sans-papiers, le second renforcera les moyens de répression et d’expulsion des « mauvais ». Mais clairement, analyse le CSP, « la prétendue régularisation consiste en l’instauration d’un nouveau titre de séjour dévalué par rapport aux critères existants actuellement, aussi critiquables soient-ils ». Il voit dans ce nouveau titre deux aspects qui vont aggraver les titres de séjour actuels. En premier lieu, et à lire l’article 3 du texte, la loi créerait à titre expérimental pendant quatre ans, « une carte de séjour temporaire mention Travail dans des métiers en tension ». Cette carte sera destinée à « tout étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers (en tension) (…) depuis au moins huit mois sur les vingt-quatre derniers mois, et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue depuis au moins trois années ». Cette carte aurait une durée de validité d’un an. Par ailleurs, le gouvernement veut créer une nouvelle carte de séjour pour les professionnels de santé afin d’attirer des médecins étrangers et « répondre au besoin de recrutement » dans ce secteur en difficulté.

Niveau minimal de français

Second aspect inquiétant du projet de loi : l’article 1 du texte conditionne la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français alors que, jusqu’ici, seul le suivi de cours de français suffit. L’article 4 prévoit quant à lui, afin de rendre l’intégration plus efficace, « un dispositif d’accès au marché du travail sans délai pour les demandeurs d’asile dont il est fortement probable, au regard de la nationalité, qu’ils obtiennent une protection internationale en France ». Voilà bien une disposition, affirme le CSP59, qui soumettra encore davantage la situation des étrangers régularisés au bon vouloir du gouvernement et du patronat. S’ajoutent à cela d’autres articles très critiquables comme celui, le 9, qui « vise à faciliter les expulsions des étrangers ne respectant pas les valeurs de la République et commettant des infractions sur le territoire national ». Et l’article 10 réduit « le champ des protections contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque l’étranger a commis des faits constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ». Si l’on ajoute la volonté d’étendre la « double peine », une systématisation et un allongement des OQTF et des interdictions de retour sur le territoire français (IRTF), le gouvernement va bien sur un texte très dur tendant à criminaliser les étrangers plutôt qu’à faciliter leur régularisation et leur intégration.

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