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Égalité entre filles et garçons

Le ministère de l’Éducation nationale porte encore des œillères

Publié le 8 avril 2022 à 12:25

La Fédération laïque des conseils de parents d’élèves (FCPE) du Nord a organisé une journée d’information au collège de Wavrin, ce 26 mars, sur le thème de l’égalité entre filles et garçons. Son président explique l’enjeu que cela représente, notamment sur le plan de l’orientation professionnelle.

Qu’est-ce qui a amené la FCPE du Nord à organiser cette journée d’information au collège de Wavrin ? Le principal du collège de Wavrin, Jean-Michel Audibert, avait déjà travaillé sur l’égalité filles/garçons. Pour lui, notre projet s’inscrivait dans une continuité parce que de l’information des élèves, on passe à celle des parents. C’est d’autant intéressant que le rectorat a aussi souhaité une journée consacrée à l’égalité filles/garçons.

Cela veut-il dire que le travail sur l’égalité nécessite une réelle volonté du chef d’établissement et de son équipe pédagogique ? Bien sûr, mais je pense qu’il y a une vraie volonté de changement. Je constate une vraie modification de la politique éducative et surtout de l’Éducation nationale qui maintenant a vraiment pris en compte cette problématique. Un travail de fond est en train de se mettre en place sur plusieurs thématiques. Des jeunes transgenres, dans l’académie de Lille, se sont suicidés pendant la pandémie. Je pense que cela a conduit à prendre le problème à bras le corps.

Et chez les parents d’élèves ? Depuis plusieurs années, la FCPE du Nord travaille sur des thématiques et réalise des plaquettes d’information et de sensibilisation (le harcèlement par exemple). Nous avons commencé le présent travail sur l’égalité l’an dernier, lors de notre congrès départemental. Cela nous a conduit à réaliser une conférence-débat avec deux psychologues de l’Éducation nationale, Yann et Juliette Bonenfant, et nous avons lancé le travail pour organiser une journée complète sur la thématique. Nous avons réussi à y associer le rectorat. Nous, les parents, nous voulons dire stop. Laissons nos enfants choisir l’orientation qu’ils souhaitent, en sachant que si une fille choisit un métier dit « d’homme » et si un garçon choisit un métier dit « de femme », c’est leur choix. Ils font ce qu’ils veulent. Il ne faut pas laisser les gens faire à leur place. C’est ça l’objectif.

Mais les vieux réflexes n’ont-ils pas la vie dure ? Il faut changer les mentalités. Cela commence avec les parents, à la naissance de leurs enfants. Il est précisément temps de mettre un terme à ces vieux réflexes comme celui d’acheter des vêtements roses ou bleus en fonction du genre du bébé ! Ensuite, il nous faut, nous parents, avoir une facilité de discussion et d’échange avec nos enfants. Il nous faut savoir les écouter. Si un garçon a une sensibilité féminine, il faut comprendre que chacun est comme il est, il faut être à même de s’adapter. Nous cherchons à ce que tous les parents puissent avoir une forme de bienveillance et de compréhension à l’environnement. Quand ce malheureux gamin, lycéen, s’est suicidé parce qu’il était transgenre, j’ai eu du mal à entendre dire que pour les parents, ça doit être compliqué. Je réponds que non, cela n’a rien de compliqué. C’est le choix de l’ado, c’est sa volonté. Il se sent bien comme ça. Pourquoi mettre des barrières ? Il faut qu’on parte sur une réelle bienveillance de l’être humain.

C’est donc aux parents de s’adapter, quelle que soit leur condition sociale ou leur origine culturelle ? Nous sommes dans un pays de laïcité, de liberté d’expression, le plus dur est de changer les habitudes de vie, les habitudes culturelles des parents. Nous, parents, avons été éduqués d’une certaine manière, on nous a inculqué une manière de penser et d’agir : un garçon joue avec des voitures, une fille joue à la poupée, etc. Mais aujourd’hui, les choses ont complètement changé. Reste que les vieux réflexes reviennent encore au galop si l’on n’y prend garde. Mais voyons la réalité : lorsque Stéphanie Frappart devient arbitre de football en Ligue 1, lorsqu’elle est la première femme à diriger une rencontre internationale masculine, on présente cela comme un exploit. Cela devrait être une normalité.

Quels sont les leviers pour bousculer les lignes ? L’orientation de nos enfants doit être choisie et pas subie. Dans les collèges, il y a souvent des rencontres entre les élèves et les conseillers d’orientation. La Région a lancé l’opération « Proche orientation » pour présenter les métiers dans les collèges. J’en suis ambassadeur et, dans ce cadre, je me rends dans les établissements du département du Nord pour présenter les métiers d’aide-soignant et les métiers de la santé. Je suis souvent accompagné de femmes maçons ou de femmes couvreurs, des femmes ingénieures, etc. Ce sont des échanges directs entre les élèves et nous-mêmes qui leur permettent de découvrir le champ des possibles en matière d’orientation professionnelle. Cela permet également de casser les idées reçues. Je me souviens que, lorsque j’étais stagiaire aide-soignant, je suis entré dans une chambre d’hôpital où il y avait une docteure et une infirmière. La patiente m’a dit « bonjour Docteur ! ». Cela montre bien cette image voulant que les médecins sont des hommes. Les femmes sont infirmières ou aides-soignantes. L’objectif de cette journée était de faire comprendre aux parents qu’il faut arrêter de penser que chaque enfant doit être assigné à une case. Pensons plutôt à ce que l’enfant veut. À la suite de la journée d’information du 26 mars, au collège de Wavrin, la FCPE va réaliser une plaquette qui sera diffusée dans tous les établissements scolaires du département.

Vous parliez de la responsabilité des parents. Mais quelle est celle du corps enseignant et de l’Éducation nationale ? Il y a du chemin. Quand un garçon vient en classe avec une jupe, on lui demande d’aller se changer. À la FCPE, nous intervenons en faisant de la médiation et de la communication et en travaillant avec le rectorat. Nous essayons de faire en sorte qu’il y ait de l’acceptation dans les établissements scolaires. J’ai le sentiment que l’Éducation nationale a décidé de prendre le sujet en main. En tout cas, le rectorat de Lille l’a pris en main. Mais il faut bien convenir que l’actuel ministère de l’Éducation nationale porte des œillères. Les rectorats sont obligés de faire passer la parole du ministre. À Lille au contraire, quand nous sommes alertés, le problème est réglé en 12 heures.

Propos recueillis par Philippe ALLIENNE