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Sans-papiers

Les errances de Salim, Bachir, Assma face à la préfecture

par Nadia DAKI
Publié le 17 février 2023 à 12:46

Leur situation est devenue compliquée depuis que leur titre de séjour a expiré. Ils ont beau avoir anticipé les délais, ils se heurtent désormais à un silence. Avec des conséquences importantes sur leur quotidien.

Vivre avec la peur chevillée au corps, craindre de finir en rétention après un simple contrôle d’identité, être dans l’impossibilité de travailler. C’est devenu le quotidien de Salim, Bachir et Assma [1]. « Mon passeport “talent-chercheur” a expiré fin septembre. J’ai déposé une demande de titre de séjour mi-septembre. J’ai reçu un mail me demandant d’envoyer une copie d’un diplôme français. Or, cette pièce ne fait pas partie des documents à fournir », s’étrangle Salim, en situation irrégulière depuis le 1er octobre. Il a beau expliquer par mail et par courrier recommandé, textes de lois à l’appui, qu’il n’entre pas dans ce cas de figure (cette pièce est à fournir pour les étudiants, or il est chercheur salarié), les services de la préfecture lui rétorquent que tant qu’il « n’envoie pas de diplôme français, son dossier restera en instance ». Deux offres d’emploi lui passent sous le nez. Il engage un avocat, fait un recours au tribunal administratif, saisit le défenseur des droits. Rien n’y fait. « Je n’arrive plus à dormir la nuit. J’ai même appelé le centre téléphonique du service public qui a confirmé que cette pièce ne me concernait pas. C’est à la fois une injustice et un abus de pouvoir. La préfecture ne respecte pas la loi. »

Des imbroglios et une fin de non-recevoir

Même si elle sait pertinemment que cela ne sert à rien, Assma, elle, se rend tous les jours à 8 heures, rue Jean Sans Peur à Lille, devant les portes de la préfecture, « pour pleurer ». « J’ai perdu mon travail, j’ai perdu ma maison. Je suis en dépression depuis un an. Je n’en peux plus », souffle cette Algérienne de 40 ans. Après avoir obtenu et renouvelé son titre de séjour en Essonne où elle habitait précédemment, elle se heurte désormais à la préfecture du Nord. « Ici, il n’y a que des murs. Personne ne répond jamais, ni par mail, ni par téléphone, ni quand on se déplace », se désole-t-elle. Elle apprend par l’agent de sécurité à l’accueil que son dossier « serait en Essonne ». « Quand j’appelle la préfecture de l’Essonne, il y a toujours quelqu’un qui répond, contrairement à Lille. La personne est même restée plus de trente minutes avec moi. Elle m’a confirmé plusieurs fois que mon dossier était bien à Lille. » Elle vient de signer un CDI mais ce dernier est en attente du fameux récépissé. « Je suis littéralement coincée depuis un an et la fin de validité de mon titre de séjour. Je n’ai plus de vie. » Autre témoignage, autre vie et même situation désolante. Celle de Bachir, né en France de parents marocains et parent d’un fils français. « Mon deuxième récépissé expire ce 14 février. Je suis désormais un sans-papier. Je n’ai jamais eu de difficulté à renouveler mon titre de séjour mais là, je n’ai que du silence face à mes mails, appels, recommandés. Les services de l’État sont inaccessibles. Seul l’agent de sécurité nous renseigne. » Contactée, la préfecture du Nord indique que « le préfet est très attaché au traitement qualitatif et rigoureux de chaque dossier, traitement effectué dans le souci du plein respect du droit et sans aucune intention de pénaliser les usagers. Les services veillent particulièrement à éviter les risques de rupture de droits, dont ils mesurent les conséquences ». Un discours officiel auquel se heurtent les réalités de Salim, Bachir et Assma. « Nos droits ne sont pas respectés, c’est humiliant, ajoute Bachir. En fait, c’est comme si on n’avait pas de droit. »

Notes :

[1Le prénom a été modifié.

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Nord