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Fabien Roussel, député du Nord

« Nous rétablirons l’égalité par l’école, par l’éducation »

Publié le 10 mars 2023 à 12:03

Liberté Hebdo : Comment créer un fort sentiment d’appartenance dans une région où apparaissent des dichotomies fortes, comme par exemple entre le Nord et la Somme ?  Fabien Roussel : Nous sommes une région dotée d’une forte identité, d’une forte culture régionale, ceci étant lié à notre histoire, notre langue, notre goût de la fête. Mais je n’oublie pas qu’il y a huit ans, il existait encore deux régions bien distinctes et je reste attaché à leurs différences. Je prône le retour à des régions originelles au détriment de celles actuelles devenues des monstres administratifs.    LH : Le sondage fait apparaître que les jeunes les plus diplômés sont les plus optimistes quant à leur avenir. En revanche, ceux de l’Aisne ou du Pas-de-Calais sont les plus pessimistes et les moins diplômés. Comment recréer de la cohésion sociale ? FR : Nous sommes dans une région jeune mais avec une partie de la jeunesse qui galère, ce que montre parfaitement le sondage. Une fracture s’installe et se développe entre les jeunes issus des milieux favorisés et ceux des classes populaires. L’ascenseur social ne fonctionne plus. On naît défavorisé ou modeste et on le reste. Pour moi, il n’y a qu’une issue, c’est de mettre le paquet sur l’Éducation nationale, l’école et la formation. Nous ne pouvons pas demeurer une nation qui n’investit pas dans son avenir. Personne ne nie que des efforts sont faits au niveau régional pour soutenir les jeunes, mais elle touche vite ses limites car les solution sont aussi à l’échelle nationale et aujourd’hui en matière d’éducation c’est une faillite provoquée. À mes yeux, la formation constitue la priorité numéro un, aujourd’hui, dans notre pays. Au lieu de cela, il y a encore des suppressions de postes annoncées dans notre grande académie, des fermetures de classes, des professeurs qui ne sont pas remplacés… Il faut exiger un moratoire et profiter de la baisse du nombre d’élèves dans une école pour alléger les effectifs des classes. Enfin, ne pas oublier l’embauche de 90 000 enseignants pour l’ensemble du pays.  Nous rétablirons l’égalité par l’école. Avoir la jeunesse la mieux éduquée, la mieux formée, ce sera la force de frappe pacifique de notre pays. 

Lire aussi : « Sondage exclusif Ifop-Liberté : 80 % des 18-20 ans prêts à quitter les Hauts-de-France ! »   LH : En tête des raisons pour quitter la région : la difficulté à trouver un emploi. Comment interprétez-vous cet élément ?  FR : Après la formation, je place l’emploi comme la deuxième priorité à l’égard de la jeunesse. Parce que les jeunes doivent pouvoir se projeter après leurs études, qu’elles soient longues ou courtes. Il faut pouvoir leur garantir l’intégration dans le secteur privé, les services, l’industrie via l’alternance avec une rémunération à la hauteur de celle des salariés. Je propose également un pré-recrutement dans les services publics avec un engagement de cinq ou dix ans des jeunes en échange d’une formation qualifiante. Les jeunes aspirent à la mobilité, ils ont raison. On doit leur garantir l’accès à des formations de réorientation sans perte de salaire.    LH : Pour les catégories les moins diplômées, ne faudrait-il pas renforcer la formation et réindustrialiser une région jusqu’ici tournée vers l’agriculture ? Et par extension, rendre le logement plus accessible ?  FR : J’ai dit précédemment, pour les jeunes les moins diplômés, je suis favorable à un accès à de véritables formation et, parallèlement, que les bac professionnels soient étalés sur quatre années plutôt que trois. Ça permettrait d’approfondir la culture générale et de faire de ces jeunes des citoyens à part entière et pas seulement des salariés « employables » immédiatement. Il faut ainsi former des soudeurs, des chaudronniers, des électriciens dans des lycées professionnels publics. Ce sont des métiers nobles qu’il faut valoriser. La France a besoin de retrouver ses savoir-faire.    LH : Le sentiment de déclin de la région atteint les 42 %. Que peut-on faire pour contrarier cette impression, s’il s’agit bien d’une impression ?  FR : S’ils le pensent, c’est qu’ils voient, autour d’eux, des usines qui ferment, des métiers difficiles ne pas être rémunérés à leur juste valeur. Les ouvriers, qui transmettaient un métier à leurs enfants, ne veulent plus le faire aujourd’hui. Le travail doit être émancipateur et source de bonheur. S’il y avait une reprise de l’emploi, elle pourrait être plus forte si on empêchait les délocalisations. Mais attention, la baisse du chômage ne doit pas s’opérer en ubérisant le monde du travail par un retour du travail payé à la tâche.   LH : Dynamisme, études, emploi… L’Aisne est très mal coté. Quelles solutions envisagez-vous pour ce département ? FR : L’Aisne, tout comme le Pas-de-Calais, est avant tout un territoire rural. Il possède l’une des plus fortes concentrations de villages, mais ces derniers ont été abandonnés par les services publics. D’où, sans doute, ce sentiment de déclin plus fort qu’ailleurs. Dans chaque village, il faut le retour de services publics avec des agents à l’écoute des préoccupations et au contact de la population, et singulièrement des jeunes.   LH : Que faire pour favoriser la culture auprès des jeunes ?  FR : Nous avons un monde culturel d’une richesse inestimable, mais qui est justement sous-estimé, pas assez valorisé. Les collectivités et l’État attribuent trop de subventions aux grosses structures au détriment des créateurs, des plasticiens, des intermittents qui ne se sentent pas assez soutenus. Cette richesse pourrait bien s’éteindre faute de meilleure répartition et de revalorisation des subventions. Ma proposition de permis de conduire gratuit et de gratuité du réseau TER pour les jeunes irait dans le sens d’un meilleur accès à la culture.    LH : Une nouvelle épicerie solidaire vient d’ouvrir à Lille. Que cela vous inspire-t-il ?  FR : Ça m’inspire de la solidarité, car nous sommes une région solidaire. Nous sommes toujours là quand il y a besoin. Elle démontre également une aggravation de la pauvreté, car chez nous, les salaires sont plus bas qu’ailleurs en France. Nous sommes une terre d’industries qu’il faut savoir valoriser.  Plus globalement, il faut faire de nos territoires des régions qui donnent envie de s’y former, d’y vivre et d’y travailler. Dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie, c’est possible.   

Propos recueillis par Mourad GUICHARD

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