LH : 80 % des 18-20 ans sont prêts à quitter le territoire de la Région, selon notre sondage Ifop, qu’est-ce que cela vous inspire ? Que pouvez-vous faire pour les retenir ? Martine Aubry : Je serai moins pessimiste que vous à la lecture de ce sondage. D’abord parce que seuls 30 % des 18-20 ans disent avec certitude qu’ils veulent quitter la région. En second lieu parce qu’ils disent dans une autre partie du sondage combien ils sont attachés aux Hauts-de-France. Je note bien sûr que 42 % d’entre eux souhaitent quitter les Hauts-de-France pour rejoindre leur famille ou leur entourage mais je ne sous-estime pas que 42 % aussi trouvent que notre région est en déclin et qu’ils ont des difficultés à trouver un emploi. Je voudrais dire ici que la région est en train depuis quelques années de passer d’une région industrielle en crise à une région en plein développement dans des domaines d’avenir : numérique, santé, agriculture durable... et que réellement aujourd’hui on ne peut pas dire que la région est en déclin mais qu’au contraire elle prépare bien son avenir. J’ajoute aussi, sans méconnaître les difficultés, que la jeunesse aujourd’hui aime bouger, voyager, changer pour voir et s’inspirer d’autre chose, aller voir ailleurs pour parfois revenir s’installer dans notre région, riche des expériences vécues.
LH : Sur les raisons de rester dans la région, la famille arrive largement en tête. En revanche, la chaleur et la solidarité, que l’on met souvent en avant quand on parle du nord, sont très peu citées (7 % des réponses spontanées). Et c’est encore bien pire pour l’offre culturelle (2 %). Cela vous surprend ? MA : Ce que montre ce sondage dans l’attachement à la région, c’est qu’ils sont à la fois sérieux dans la préparation de leur avenir, (69 % pour la possibilité de trouver un emploi, 67 % pour un cadre de vie agréable) et qu’ils veulent aussi une qualité de vie agréable et vivante (82 % sont satisfaits de la vie sportive de la région et 73 % des activités culturelles). La famille est un élément central dans leurs vies, et j’y inclus aussi le cercle amical, la chaleur et la solidarité des habitants. Sur l’offre culturelle, je ne le perçois pas comme ça, à Lille, la place de la culture est immense, cela regorge de créativité, d’énergie... mais c’est aussi le cas ailleurs dans la région, avec un réseau d’acteurs et d’artistes jeunes et qui partagent beaucoup, tant sur les nouveaux projets artistiques et les nouvelles idées inspirées de rencontres et de visites dans d’autres pays d’ailleurs, que sur la culture traditionnelle de notre région.
LH : Les jeunes sont très impliqués dans le mouvement de protestation contre le projet de réforme des retraites. Qu’est-ce que cela vous inspire ? MA : Les jeunes sont très angoissés sur leurs conditions de vie aujourd’hui : pouvoir d’achat, possibilité de faire des études, de se soigner... mais ils sont aussi très inquiets pour leur avenir. Beaucoup de jeunes nous disent que s’ils sont dans la rue aujourd’hui contre la réforme des retraites, c’est parce qu’ils ont vu leurs parents rentrer à la maison fatigués de leur journée de travail car les conditions de travail n’étaient pas les meilleures (répétition des tâches, travail de nuit, pénibilité etc). Tout cela pour offrir à leurs enfants un meilleur avenir. Cette réforme des retraites est à la fois inutile et injuste, les mensonges et le mépris du gouvernement épuisent et mettent en colère les jeunes comme les moins jeunes, et c’est normal !
LH : Plus généralement, les sentez-vous suffisamment impliqués dans la vie de leur pays, de leur région, de leur ville ? À quel niveau : citoyenneté, associations, politique ? MA : Je les sens d’abord pour beaucoup très inquiets sur leurs conditions de vie, sur leurs difficultés à financer leurs études et sur leur avenir. Le taux de pauvreté des jeunes s’est considérablement accentué. Mais ils sont aussi impliqués dans tous les combats de notre société, et je suis enthousiaste de voir la jeunesse se mobiliser ainsi, pour réclamer une société plus juste, égalitaire et dans le respect de l’environnement. Elle a un rôle très important dans les combats politiques de notre époque. Je ne peux que les encourager !
