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Retraites

RIP : ce recours reste sous la menace d’une obstruction gouvernementale

par Mourad Guichard
Publié le 7 avril 2023 à 15:36 Mise à jour le 10 mai 2023

Philippe Azouaou est maître de conférences en droit public à Cergy Paris Université. Il explique le fonctionnement du référendum d’initiative partagée (RIP) et en souligne les difficultés d’application.

Introduit dans la Constitution le 23 juillet 2008 par la volonté du président Sarkozy, le référendum d’initiative partagée (RIP) se veut être une sortie de crise honorable. Du moins, sur le papier. « La France n’a pas une culture du référendum », pense Philippe Azouaou, maître de conférences en droit public à Cergy Paris Université. « Il y a même une méfiance historique à son endroit, ceci du fait qu’il peut facilement se transformer en plébiscite ou en sanction au lieu de répondre précisément à la question posée. » Si cette possibilité constitutionnelle a été activée par trois fois, elle n’a encore jamais atteint son terme.

10% du corps électoral c’est 4,9 millions de personnes

« La première fois, c’était en 2019 pour exiger que les Aéroports de Paris (ADP) aient le statut de service public national, mais le nombre de signataires n’avait pas été suffisant », se souvient le juriste. « Le deuxième concernait un service public hospitalier de qualité et universel. Cette fois-ci, c’est le Conseil constitutionnel qui a mis son veto jugeant cette proposition inconstitutionnelle en violation de l’article 21. La troisième ayant été rendue le 25 octobre 2022 à propos de la proposition de loi portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises. » Ce sont donc bien les « Sages » qui doivent donner leur feu vert pour entamer la collecte des signatures. « Elles doivent représenter 10 % du corps électoral et la proposition doit préalablement être soutenue par 1/5e des parlementaires », précise-t-il. Ce qui équivaut à environ 4,9 millions d’électeurs et 185 parlementaires. « Ensuite, il faut vérifier que la proposition respecte les dispositions de l’article 11 de la Constitution et qu’elle ne vient pas abroger une loi votée il y a moins d’un an, ni qu’elle porte sur un sujet rejeté par référendum au cours des deux dernières années. » Passés ces premiers filtres et une fois le feu vert donné, la collecte des signatures peut commencer. « Les défenseurs de la proposition ont neuf mois pour récolter les signatures, le point de départ devant intervenir dans le mois suivant la décision du Conseil constitutionnel », détaille encore Philippe Azouaou. Et durant cette période, ce sont toujours les Sages qui veillent au bon déroulement du scrutin, n’importe quel citoyen pouvant le saisir. Mais attention ! Le gouvernement peut toujours dégainer l’arme fatale. « Si la proposition de loi est examinée par le Parlement au moins une fois dans un délai de six mois, le RIP tombe », prévient l’enseignant. Autrement dit, si le gouvernement décide d’inscrire la question à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, c’en est fini. « Sachant que le RIP ne peut être valide que si le gouvernement ne fait pas d’obstruction, on peut considérer qu’il a été construit pour ne jamais aller à son terme. »

Dans le passé

Plusieurs référendums ont animé la vie institutionnelle de la Ve République. Le premier remonte à 1961 et demande la validation de la politique d’autodétermination du général de Gaulle en Algérie. Le « oui » l’emporte très largement. Celui d’avril 1969 qui fera figure de contre-exemple sur la question de la régionalisation et de la réforme du Sénat, le « non » l’emporte et de Gaulle démissionne. Trois référendums vont concerner les questions européennes : celui de 1972 sur l’élargissement de la CEE, celui de 1992 sur le traité de Maastricht et celui de 2005 sur le traité de Constitution européenne (TCE) qui verra le « non » l’emporter, mais qui sera tout de même validé sous une autre forme quelques années plus tard (traité de Lisbonne).