Réflexion sur la crise sanitaire

La mort ne connaît pas les « en même temps »

Par Aymeric DUVOISIN

Publié le 16 avril 2020 à 19:02

En ouvrant la période de confinement, le président de la République a déclaré une guerre molletonnée où nous sommes invités à tromper la maladie en restant cloîtrés chez nous, à être courageux en ne faisant rien, à être solidaires en restant le plus loin possible les uns des autres. 

Les esprits des poilus de 14-18 qui volent encore au-dessus des tranchées de Verdun doivent sourire de nous voir dans nos postes de combat à domicile mener notre voyage au bout de l’ennui. 

Alors que cette partie d’entre nous vit cette guerre à travers fenêtres et écrans, les livreurs, les employés de caisse, les routiers, cette chair à canon de notre économie doit bien malgré elle aller au contact et, devant rester tout à sa tâche, avaler une pilule bien amère. 

Après les Gilets jaunes, le président de la République voit ainsi tous ces invisibles de la République devenir indispensables et revenir au centre du débat public. Un paradoxe pour un président majoritairement élu par les cadres supérieurs des grandes villes. À contre-emploi, il ne peut plus enjoindre les jeunes à devenir milliardaires mais doit faire le choix de la santé avant tout, mais manifestement pas pour tous. 

En ces temps graves où le pouls de la nation est rythmé chaque soir par le décompte du nombre de victimes, l’heure n’est pas à la discorde. Mais pour le macronisme, qui ressemble de plus en plus à un astre mort, la période a tout l’air d’une mise à mort idéologique. 

Le manque de moyens de l’hôpital public et ses conséquences désastreuses doit faire office de puissant antidote face à tous ceux qui veulent continuellement imposer une saignée à nos services publics. 

Il n’y a pas de « en même temps » quand les soignants sont obligés, faute de lits médicalisés, de sauver une vie plutôt qu’une autre. 

Il n’y a pas de « en même temps » quand ceux qui doivent soigner n’ont plus les moyens ni les équipements nécessaires pour se protéger. 

Le « en même temps » présidentiel propre à attirer l’électorat des classes favorisées des rives de droite et de gauche est un cynisme politique plus éclatant que jamais quand la nation tourne grâce à des petites mains de la République exposées à la maladie. 

La politique est affaire de choix et celui qui apparaissait comme le président des riches et des grandes villes ne pourra plus jamais se présenter comme celui de la raison triomphante. La mort ne connaîtra jamais les « en même temps »...