Le virus du printemps 2020

Par Christian Finez

par CHRISTIAN FINEZ
Publié le 7 mai 2020 à 13:39

Sournois, un virus fourbe, traînait partout où il ne fallait pas à toutes heures de la journée... La veille il était là et le lendemain, aussi. Où était-il ? On ne savait plus. En Chine, là-bas, loin, à Creil, dans le Grand Est, à Trifouilly-les-Oies, à Mons-en-Pévèle, ça rapprochait. Il était en France en tout cas et le reste n’avait pas d’importance... « Covid-19 danger ». C’était l’unique information du journal de 20 h toutes chaînes confondues... Tous les médias se relayaient pour en parler et faire parler ceux qui disaient n’importe quoi. Ceux qui ne savaient pas. Ceux qui faisaient semblant de savoir. Ceux qui se trompaient. Ceux qui savaient et ne disaient pas tout ce qu’ils savaient. Ceux qui mentaient. Ceux qui voulaient rassurer. Ceux qui voulaient faire peur. Ceux qui alimentaient la polémique. Ceux qui avaient peur. Ceux qui s’en foutaient et promenaient leur laisse sans chien au bout. Ceux qui avaient des masques, ceux qui n’en avaient pas. Ceux qui étaient riches. Ceux qui étaient pauvres. Ceux qui étaient malades. Ceux qui ne l’étaient pas. Ceux qui le seraient bientôt. Ceux qui avaient des idées. Ceux qui n’en avaient pas. Ceux qui auraient voulu en avoir, des idées, mais ils avaient beau faire, ça ne venait pas...

Il n’y avait que ceux qui étaient morts de ce virus, qu’on ne savait pas faire parler, ni leurs proches d’ailleurs, les enterrements se faisaient à huis clos, seules les portes des crématoriums et des cimetières restaient ouvertes. Finalement, ça devait en faire du monde les « tous ceux qui » me direz-vous... Et bien, détrompez-vous, il n’y avait personne dans les rues.

Tous les journaux relayaient cet événement pandémique. Deux heures d’infos chaque jour, on était saoulé, esquinté. La poésie avait déserté les infos depuis longtemps... Jugez plutôt : Gilets jaunes, réforme des retraites, manifestations, protestations, insoumission, résistance, la planète qui étouffait... La vie publique avait éradiqué la poésie ad vitam æternam.

Mais en fait, on voulait savoir où il était ce satané virus... Bon sang ! ... À l’église ? On n’y allait plus. À la mairie ? On n’y allait plus. Au cinéma, à la salle des sports, à la salle des fêtes, au terrain de football, dans les jardins publics ? On n’y allait plus. Au bureau de vote, on n’allait plus voter... Au centre Leclerc, alors ? « On n’ira plus non plus » pensait-on... Ah si quand même fallait bien manger. Enfin un endroit où on pouvait aller sans reproche mais pas sans peur. Peu importe, on avait trouvé un endroit où aller. Heureusement La Voix du Nord et Liberté Hebdo distribuaient des « laissez-passer ». Oui mais si la bête rôdait là quand même... ? Impossible, les caddies n’étaient plus dehors. À l’intérieur, ils étaient rangés après avoir étés nettoyés, désinfectés. Et s’il n’en restait qu’un ? « J’voudrais bien voir ça ! » nous disaient les agents de sécurité, en souriant sans doute derrière leur masque... On ne voyait pas. Les rues étaient vides, les écoles et les préaux aussi, les bouteilles vides remplissaient les garages. En somme, la vie était vidée de son sens...

La bête était là, le virus guettait... Tout le monde le savait... Y’a que le printemps qui ne le savait pas. Le soleil brillait, les fleurs s’épanouissaient, les oiseaux chantaient comme « trente millions d’amis ». La terre attendait les semences impatiemment, parce que c’est bien connu : « Où y’a de la graine, y’a du plaisir... » Ça ressemblait à la guerre, comme l’avait prédit Macron. Non, ça ne l’était pas, les médecins, infirmières, infirmiers, aide-soignants et aide-soignantes n’avaient pas d’armes, même pour se protéger. On ne pouvait même pas signer un armistice. C’était au printemps 2020, on était en avril 2020 ! La bête rodait toujours. L’incertitude et la langueur du temps nous rongeaient. Des sanglots longs de violons blessaient nos cœurs...