Réflexion sur la crise sanitaire

Monde nouveau : une opportunité à saisir…

Par André CICCODICOLA*

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 16 avril 2020 à 19:02

Le président est conscient de l’inquiétude du peuple de France. La crise sanitaire menace non seulement la santé, voire la vie de chacun, mais aussi la situation matérielle présente et future. Habilement, lors de son intervention télévisée, le chaos auquel l’hôpital public est confronté est devenu une ode à la gloire des soignants. La pénurie et la gestion calamiteuse des matériels de protection se sont transformées en exploits. «  Nous avons multiplié par cinq la fabrication des masques » s’est-il félicité. Il n’a pas dit que ce chaos et cette pénurie étaient le résultat de mauvais choix stratégiques gouvernementaux, de coupes claires des budgets sociaux et de la délocalisation des fabrications dans les pays à bas prix salariaux.

La terre entière mesure à l’unisson les méfaits d’une économie libéralisée, mondialisée au gré du marché et des profits et où la Bourse vaut plus que la santé. Enfin, chacun constate que si l’argent est de plus en plus compté pour les budgets sociaux, il coule toujours à flot pour venir au secours des banques et des entreprises.

Mais tout cela, c’est fini, terminé… si l’on en croit le président Macron. Il nous a annoncé une refondation du système dont il a pointé sans vergogne le caractère inégalitaire. Pour nous convaincre de ses nouvelles et bonnes intentions, il nous a fait deux clins d’œil un peu insistants : l’allusion aux valeurs « égalité » et « fraternité » de la Révolution française, et le mauvais état « carbone » de la planète.

Le président se serait-il converti à l’égalité et au développement durable ? Que vaut sa promesse « de jours heureux  » ? Émettons l’hypothèse que ce n’est pas là un mensonge ou une manipulation de plus. La crise sanitaire actuelle et la récession qui s’annonce le confrontent à une situation nouvelle. Il lui faut assurer sa survie politique et la pérennité du système qui l’a porté. Comptons aussi avec l’ambition de cet homme qui entend peut-être entrer dans l’histoire en privilégiant la transition écologique à la production de masse et en promouvant un capitalisme new-look, un peu plus régulé et vert.

Les dernières paroles présidentielles ont eu un écho auprès de la population qu’il ne faut pas négliger ni ignorer. Selon le sérieux institut Harris-interactive, six sondés sur dix ont déclaré le président convaincant. Naïveté, aveuglement ? Ni l’un ni l’autre, mais la manifestation d’un désir irrépressible et ô combien légitime de la part de nos concitoyens de sortir de cette crise, fût-ce en redonnant, paradoxalement, du crédit à ceux qui en sont en partie responsables. C’est un scénario que l’on retrouve au fil de l’histoire : en 2008 comme lors de la terrible crise de 1929. Cette réalité contrarie les projections plus ou moins fantasmagoriques qui verraient nos concitoyens se soulever quasi spontanément contre l’incurie dont ils ont été les victimes ou les témoins et pour un changement progressiste.

Médecins, soignants, intellectuels, syndicalistes, élus, les voix ne manquent pas pour dire « plus jamais ça » et réclamer un monde nouveau dont le bien commun et l’égalité seront la clef de voûte. Les propositions fusent pour aller vers ce « nouveau monde » espéré. Mais à ce jour, ceux qui se réclament de la gauche n’ont pas saisi l’opportunité historique d’enclencher, avec le peuple, le processus pouvant aboutir à une alternative crédible aux promesses incertaines de Macron. Elle est pourtant la condition sine qua non à tout mouvement conscient et à tout changement positif.

L’absence d’une alternative humaniste portée par des forces politiques, syndicales et associatives identifiables, par des progressistes et des patriotes de tous bords, comme ce fut le cas avec le Conseil national de la Résistance, laisse les mains libres à Emmanuel Macron. Rien ne l’empêche - y compris par l’artifice d’un nouveau gouvernement fortement colorié en vert - de pérenniser un système capitaliste dont nous savons, avec Jaurès, qu’il porte toujours en lui l’orage…

*Journaliste et conseiller éditorial et communication