La retraite Macron - Delevoye

L’arnaque du siècle

Publié le 29 septembre 2019 à 01:11

Ce que vise le rapport Delevoye, préparatoire à la réforme voulue par Emmanuel Macron, c’est la fin du système Croizat des retraites. L’analyse de Bernard Lamirand, animateur du collectif retraités du PCF.

Les perdants seraient les salariés et les retraités et le grand gagnant serait le patronat qui récupérerait la mise, notamment les grands groupes industriels et financiers et leurs actionnaires. Le but étant d’arriver à disloquer le régime général mis en place en 1945-46 et de créer les conditions à ce que l’on revienne à des retraites par capitalisation d’avant-guerre en laissant pour les plus fragiles une « retraite balai minimale ».

Machine infernale

L’âge de départ à la retraite ne serait plus qu’une machine infernale rajoutant des années à des années. Bref, une enveloppe vide : la décote et la surcote obligeraient à la poursuite de l’activité bien après 62 ans avec âge pivot et taux plein à 64 ans évoluant selon les nécessités financières par une sorte de chantage obligeant les salariés à partir de plus en plus tard. Le nombre de points insuffisant inciterait alors le foula récipiendaire à poursuivre son activité quelque soit sa santé ou sa situation professionnelle précaire et à retarder sans fin son départ en retraite. Celui-ci serait pris en otage par la décote et la surcote et l’insuffisance de points qui l’obligeraient à poursuivre jusqu’à 67 ans et même au-delà. Le président de la République préconise maintenant de s’en tenir à la seule durée de cotisation et non à l’âge légal : par exemple 60 ans comme le réclame la CGT. Ce serait l’installation d’une variable d’ajustement permanente pour un âge de la retraite évoluant selon les normes des fonds de pensions, visant à verser le plus tard possible ce qui deviendrait une rente retraite. Solidarité et répartition ne seraient plus que des vœux pieux. L’objectif est donc de retirer de la tête des salariés l’idée d’un âge de départ à la retraite fixe et garanti avec des prestations définies : c’est le système Croizat.

La fin des prestations de retraites définies

Le système à point préconisé par M. Macron ferait disparaitre le calcul des retraites du régime général basé sur les annuités et le taux plein et les meilleures années : c’est le moyen permettant de mettre fin à une retraite solidaire et intergénérationnelle par répartition. Ce serait un système individuel qui ne dit pas son nom. Il étalonnerait tous les salariés individuellement à une date de mise en place en 2025 y compris les régimes spéciaux de la SNCF, d’EDF et du secteur public dont des délais transitoires seraient mis en place pour y parvenir. Le calcul sur les meilleures années expirerait dès la mise en œuvre de la retraite par point : les meilleures années ont déjà été touchées dans le privé par la réforme Balladur en 1993 — passant des 10 meilleures années aux 25 meilleures —, ce qui avait occasionné de lourdes pertes pour les retraité(e)s du fait de cette modification. Le secteur public et les régimes spéciaux seraient concernés avec la fin du calcul sur les six derniers mois de salaires et l’instauration du système par points. Avec ce système à point, les inégalités se creuseront davantage car le nombre de points de retraite ne refléterait que la seule présence au travail, et toutes les périodes à durée déterminée ou en chômage ou en maladie se traduiraient inexorablement par des pertes de points. L’inégalité salariale entre hommes et femmes s’exacerberait davantage même si M. Delevoye envisage des compensations avec de multiples interprétations pour en réduire la portée. Enfin le pire c’est l’abaissement inexorable par un prix de service du point établi par le gouvernement qui lui permettrait de réduire le niveau de retraite. Le point de retraite ainsi dévalorisé obligerait les retraité(e)s à compléter leur re- traite par des systèmes par capitalisation comme l’envisage le rapport Delevoye.

Pertes de pouvoir d’achat

Le refinancement des retraites serait basé sur le non dépassement de 14,8 % du PIB, ce qui amènerait inexorablement, vu le nombre de retraités grandissant, à réduire d’autant le niveau des retraites pour rester dans ce chiffre. Autant dire que tous les retraités et ceux et celles qui y accéderont en seront les victimes par des pertes de pouvoir d’achat considérables. La cotisation sociale, mise en place par Ambroise Croizat, ministre du Travail et de la Sécurité sociale en 1946, avait été particulièrement soignée pour bien faire la distinction entre un système financé par l’impôt et un système financé par la cotisation. Ambroise Croizat avait emporté la décision de la cotisation sociale du salarié et de l’entreprise. En Grande-Bretagne, c’est le contraire qui l’avait emporté et aujourd’hui c’est un régime forfaitaire minimal qui existe dans ce pays financé par l’impôt et la population est soumise à des systèmes par capitalisation inégalitaires, injustes et incertains. Voilà ce que M. Macron nous prépare et une seule chose reste à faire : c’est d’en débattre avec les salariés et ayants droits et organiser la riposte à partir de propositions du PCF (lire ici).

Bernard LAMIRAND