Réforme des retraites

Quelle retraite pour les jeunes salariés ?

Témoignages

par Franck Jakubek
Publié le 6 décembre 2019 à 11:11

Nicolas n’a pas encore 40 ans. Il vit dans la commune où il est né. Ce passionné de trial, de courses d’endurance extrême, croque la vie et défend ses convictions. « Nous avons un système de retraite solidaire où il s’agit de mettre au pot commun pour tout le monde. Ici, c’est chacun ses points, chacun pour soi » se désole-t-il en défendant les régimes spéciaux : « Il ne s’agit pas de privilégiés mais de personnes en horaires décalés, travaillant de nuit, avec des métiers pénibles. Et qui cotisent plus que les autres, au dessus de 10 % et ça, on a tendance à l’oublier. » Il est persuadé que la volonté du gouvernement est « de mettre la main sur les milliards que représentent les fonds de retraite et les filer au privé, pour laisser faire les “spécialistes” de l’assurance ».

Pierre a 25 ans. Il démarre dans la vie active mais il a déjà un sacré parcours. Son premier emploi, il l’obtient l’année de ses 18 ans comme employé administratif à la mairie d’Avion. Ensuite, tout en poursuivant ses études, il exercera comme manœuvre, stadier les soirs de match à Villeneuve d’Ascq, tout en faisant du tutorat, de l’aide au devoir ou comme pion. « Sous Hollande, j’ai accepté un emploi d’avenir pour pousser les jeunes à devenir professeur. À raison de vingt heures par semaine, j’ai vu mes résultats dégringoler cette année-là... » Une expérience qui ne l’a finalement pas rapproché de l’Éducation nationale car, une fois son master d’histoire en poche en juin 2017, il n’a pas cherché à devenir professeur. Rémunération trop faible, manque de considération de la part des parents, de la hiérarchie... Autant de raisons qui le poussent vers d’autres horizons. Il trouve une formation de développeur en mars 2018. Bien lui en pris, car deux semaines après la fin de sa formation il décroche son premier CDI. Aujourd’hui, il exerce une autre activité et n’est pas mécontent de son parcours. Pour la retraite, comme il est né en 1994, il pense qu’il ne partira pas avant 70 ans « en plus, si tous les 8 ou 9 ans ils changent l’âge pivot... » Pierre est pour la préservation d’un système de répartition basé sur la solidarité. « Il ne faut pas oublier que les régimes spéciaux ne sont pas des privilégiés. Il faut considérer que c’est un horizon à atteindre pour tous les salariés ». L’argent existe, en face, les exonérations, le CICE « et tous les cadeaux au patronat » peuvent financer notre système de retraite.

Manu est cadre dans la fonction publique territoriale dans une mairie du Douaisis depuis cinq ans. Il n’a pas fait non plus le calcul de sa retraite potentielle ou future. Comme Nicolas ou Pierre, à 38 ans, il n’y pense pas encore. Enfin presque, car un jour, alerté par une publicité, il a quand même souscrit à une retraite complémentaire pour sa retraite individuelle auprès de sa banque. « Ce n’est pas une grosse somme mais c’est automatique, tous les mois ». Une assurance en quelque sorte mais « simple salarié, c’est sûr que je ne pourrais le faire ». Il est déjà dans l’incapacité, comme beaucoup, de pouvoir racheter ses années d’études. « Je pars du principe que la sécurité sociale, c’est par le travail qu’on la paie et il ne devrait pas y avoir de complémentaire. En 45, le pays était exsangue et nous avons réussi à faire la sécu. Aujourd’hui, c’est quand même surprenant. Nous sommes plus nombreux, mais la lutte des classes, c’est les autres qui seraient en train de la gagner ? » Une issue à laquelle il ne se résout pas. Et ce jeudi 5 décembre, il est dans la rue, Manu, à Arras le matin et à Lille l’après-midi, comme Nicolas et Pierre. « Nous avons besoin d’une mobilisation la plus large possible. Et la plus forte possible ! »