Allo les riches ? Ici la Terre

Publié le 12 décembre 2019 à 17:08

Dominique Surmais proposait le vendredi 29 novembre dernier une pièce sur la notion d’argent par ceux qui n’en ont pas. Un spectacle profondément humain interprété par la compagnie TDC à l’espace culturel de la Gare à Méricourt

Henry Calet était journaliste, écrivain, homme de radio et libertaire. Dans les années cinquante, il rencontra « les humbles » , des gens de condition modeste, des victimes de l’après-guerre, dans les quartiers populaires parisiens, pour écrire une succession de portraits publiés sous le titre Un sur cinq millions. C’est de cette idée pourtant élémentaire, une simple recherche d’altérité et un témoignage sur une époque, que la metteuse en scène Dominique Surmais nous propose le spectacle Allo les riches ? Ici la terre.

Armée d’une caméra, d’un micro, et d’une grande dose d’humanité, elle a interviewé 15 habitants de Sallaumines, Avion, Méricourt et Mazingarbe en les questionnant sur la notion « d’argent ».

Simplicité et humanité

Si vous aimez le grand spectacle, les épopées, les grands textes et les mises en scène grandioses, ce spectacle n’est pas pour vous. Avec quelques phrases en guise d’introduction, Dominique Surmais plante le décor, nous présente ces habitants, avec sans doute la même simplicité et bienveillance qu’elle a dû poser le micro devant eux, à boire un café autant que leurs paroles. De ces entretiens, plus de 80 heures, elle a extirpé ces témoignages francs mais jamais misérabilistes. Ses protagonistes vivent de presque rien, de quelques sous, du RSA, d’allocations. Ils comptent et recomptent pour finir le mois, mais jamais ne se plaignent, comme si leur vie était « comme ça », et qu’elle apporte aussi son lot de satisfactions. Comme le dit Chanchan, cette jeune femme célibataire, « sans argent, les riches, ils peuvent plus vivre. Nous, si. »

Les comédiens Céline Dely et Damien Olivier interprètent tous les personnages. Avec un changement d’attitude, de phrasé, de tee-shirts, et surtout avec beaucoup de talent, sans la moindre caricature, ils les font vivre sur scène : Philippe le tintinophile, Julien, fan de culture japonaise qui organise avec sa famille une caisse d’entraide : « Plusieurs cœurs, un seul portefeuille. » C’est aussi Bernadette, déléguée CGT sur toutes les luttes, Monique, qui, malgré « la sorcière qui se pencha sur son berceau » , livre dans un émouvant témoignage sa vie cabossée qu’elle répare un peu tous les jours. Tous parlent de l’argent qu’ils n’ont pas, mais aussi de l’entraide. Ils ont de la générosité à revendre, denrée précieuse s’il en est, mais qui n’est malheureusement pas cotée en Bourse. C’est un spectacle attachant et modeste, à l’image de ceux dont il parle.