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Les chroniques de JPM chez Tata Atsou

Avant-veille d’élections

Publié le 28 janvier 2022 à 15:49

Il est 3 heures du matin, le concert de Youssou N’Dour vient de se terminer et je me faufile à travers la foule compacte pour rentrer. Des cohortes de voitures sont bloquées dans les rue étroites de Saint-Louis. Ça pue les gaz d’échappement. De rares échoppes sont encore ouvertes et le ciel étoilé prédit une journée chaude quand le soleil se lèvera. Demain, à 21 heures, une rumeur dit qu’il y aura un couvre-feu car nous seront la veille des élections. La ville deviendra calme et silencieuse. Faut dire que depuis 15 jours, chaque candidat, que cela soit pour les municipales où les départementales, met tous les moyens à sa disposition pour faire entendre sa voix haut et fort. Ils sont huit à Saint-Louis à se présenter aux municipales, tous représentant une coalition. Le maire appartient au parti au pouvoir, l’APR sur la coalition Benne Bokk Yaakaar (Uni pour le même espoir). Offrir la veille du scrutin un concert de la star du Sénégal est plutôt malin. Tous n’ont pas les mêmes moyens. C’est sous une tente installée dans la rue qu’un candidat organise son meeting, accompagné de ses soutiens. Chaque « punchline » est suivie de quelques mesures des tambours présents dans l’assistance. Parfois, la réunion est troublée par un autre candidat. Tous les soirs, à partir de 22 heures, on entend une musique dont il est difficile de définir la provenance. Il suffit d’être patient. Les rues sombres s’éclairent alors par les phares de pick-up rutilants avançant lentement, ornés d’affiches du candidat. Ils sont équipés de sonos très puissantes. Des jeunes les suivent en dansant et chantant, distribuant des t-shirts à l’effigie de leur favori. Ce dernier arrive alors, lui aussi sur un pick-up, et s’arrête devant un attroupement. Assis sur le toit du véhicule, il harangue la foule, micro à la main, promettant, comme tous les autres, un avenir meilleur. Chaque promesse est suivie d’une bruit de sirène, ou d’alarme électronique. Un discours bien rodé, de dix minutes, et le cortège repart dans une autre rue, à la recherche d’un autre regroupement. Cela peut se terminer à 2 heures du matin. Il faudrait proposer ça aux directeurs de campagne en France. On rigolerait bien ! Difficile de décrire la vie politique et les différentes sensibilités pour un Français pas vraiment spécialiste de géopolitique. Je ne voudrais pas faire de l’ultracrépidarianisme [1], très en vogue actuellement. Le président actuel, Macky Sall, est un libéral consensuel maîtrisant parfaitement les arrangements pour garder le pouvoir. Son opposant principal, Ousmane Sonko, a frôlé l’incarcération suite à une plainte pour viol. Son inculpation puis son placement sous contrôle judiciaire entraînèrent des heurts violents au Sénégal faisant une dizaine de morts il y a quelques mois. Ses opposants lui reprochent son ton très critique envers les entreprises françaises sur les marchés sénégalais, Eiffage notamment, et sa sensibilité salafiste. Le Sénégal appartient à l’Organisation de la coopération islamique. Saint-Louis voit le rôle de l’Arabie Saoudite devenir de plus en plus prégnant, finançant les mosquées, écoles coraniques et internats. Dans d’autres pays, ce sont les clubs de foot. Et Tata Astou ? Elle dort probablement. Elle sera en photo dans Liberté Hebdo et vous salue sans doute.

Notes :

[1L’art de parler de ce que l’on ne connaît pas.