La vie secrète de JPM (saison 2)

Épisode 2 : Bordel, ça résiste !

Publié le 13 novembre 2020 à 13:23

Dans le premier épisode de la saison deux de « La vie secrète de JPM », ce dernier réunissait tous ses amis de La Chope, en dépit du reconfinement, pour les convaincre de l’aider à voler un tableau de lui peint par son ami Till juste avant son décès il y a de nombreuses années.

On s’était dit trois heures du mat’. Le temps pour Polo de faire le vin chaud, pour Jeannot de préparer les outils, Tonio la lampe torche et Sergio de convaincre Camille qu’il serait judicieux qu’ils fassent le gué, tous les deux au coin de la rue.Seul dans ma casa, tout me revenait. Till était homo, portait des bagues énoooormes et des bracelets en tissu. Il fréquentait le Palace, les stars du show-biz. Ça m’impressionnait à l’époque. Il les connaissait tous. « Les gens du show-biz, c’est comme les chapelets de saucisses.Tu en tiens un, les autres suivent » qu’il disait. Il militait à AIDS. Quand la chiennerie de la vie était trop lourde à porter, quand, à force d’effacer de son répertoire des noms d’amis dont le téléphone devenait inutile, il sortait la nuit, puis la finissait devant des toiles qu’il vendait plutôt bien. Je fréquentais à l’époque une vendeuse d’herbe médicinale sur les marchés, du pisse-mémé infect mais que Till appréciait. Je lui en ramenais toujours. Tout me revenait, sans voir les heures passer. Voyant la lumière, Maryline Cheap s’est pointée. Depuis quelque temps, c’est en grande bourgeoise qu’il se travestissait. Perruque blonde, tailleur sobre et collier de perles, je trouvais ça moyen. Faut dire que dans le quartier, il dénotait.

« C’est pour faire chier les cons » qu’il disait. Ça marchait plutôt bien. Je lui ai raconté l’histoire du tableau de Till, me souvenant que ce dernier avait transformé ses toilettes en un décor digne des photos de Pierre et Gilles, avec madones, fleurs en soie et guirlandes électriques. Il me prédisait l’avenir dans les lignes de la main. C’était vieux tout ça. Maryline Cheap m’a laissé en disant : « Je vous fais une blanquette pour quand vous rentrerez. » À l’heure prévue, tout le mode était là. On s’est enfilé un verre de vin chaud, j’ai mis un pull à Günther tricoté par Emma et nous sommes sortis. On s’était préparé à croiser une voiture de baqueux, avec un scénario du tonnerre : « J’ai perdu la chatte à ma mère. »

Ça nous faisait marrer. Polo se penchait sous les voitures en disant « Foufoune ! Foufoune ! ». On suivait les traces que j’avais laissées la veille tandis que Sergio nous expliquait les ruses de Sitting Bull lors de la bataille de Little Bighorn. Jeannot n’était pas rassuré. « Je la connais pas cette rue. Pourtant, je l’ai écumée, la ville » disait-il en trimballant sa sacoche d’outils de cambriole héritée de son vieux, qui avait quelque peu joué les Alexandre Jacob dans sa jeunesse. Tonio ouvrait la route, Camille la fermait. Sergio malheureusement pas. On se la jouait discret quand même. Pas la peine de chercher l’embrouille avec les flics. On avait tous un contentieux avec eux. Günther tirait sur sa laisse et ses roues faisaient couic couic. La bande est arrivée devant la galerie. « Laissez-moi faire » dit Jeannot.

Il a mis une cagoule noire (demandez pas pourquoi), a sorti son matos, et sous la lumière de la lampe torche de Tonio, il a commencé à trifouiller la serrure. « Bordel, ça résiste » qu’il disait. Et plus ça résistait, plus il s’énervait. « Nom de Dieu de nom de Dieu. » « Magne-toi », disait Polo. « C’est grippé, c’est sûr », rajoutait Sergio. Ça durait une éternité. « Magnez, v’la du monde ! » dit Camille. Tonio a poussé Jeannot, pris son élan et, d’un coup d’épaule radical, enfoncé la porte qui s’ouvrit avec fracas. On se précipitait dans la galerie, juste le temps de refermer la porte et de voir passer une voiture de flic. On a fait « ouf ». Tonio a éclairé la pièce. Des regards franchement hostiles se sont alors braqués sur moi. La pièce était vide.