La vie secrète de JPM (saison 2)

Épisode 5 : « Hon-Kesa-Gatame »

Publié le 7 décembre 2020 à 12:20

Dans l’épisode précédent, JPM se rappelait de sa jeunesse avec Till, pendant que ses amis de La Chope tentaient de forcer l’armoire trouvée dans la galerie. Quand ils y parviennent enfin, c’est une porte fermée qui se tient devant eux.

Au nez que cela nous a sauté. Un air froid, humide, des relents d’odeurs de caca. Pas envie de s’y plonger. La lampe de Tonio éclairait un escalier en pierre poisseux, pas vraiment accort, qui plongeait dans un abîme bien glauque. « C’est sombre comme dans le cul d’une vache ! » s’esclaffa Polo. Tonio s’engagea le premier. Tout le monde suivait. J’avais Günther dans les bras. Y’a que Sergio qui renâclait. On le sentait revêche au saut dans le vide. « Attendez les copains ! J’ai les pattes lourdes. Crevé. L’énergie à zéro. Comme ça, d’un coup, tout flageolant des guibolles... Vous faites ce que vous voulez, mais moi, j’y vais pas. Camille et moi, on pourrait rester là, à faire le guet. » « Non, moi, je viens avec vous », dit-elle. « Laissez-moi pas tout seul ! C’est pas sympa ! On pourrait aller maintenant chez Maryline manger la blanquette, et l’exploration, on la ferait demain, après une bonne nuit de sommeil. Ce serait mieux ! » « Fais pas l’enfant, Sergio. Viens avec nous. Et pense au tableau de JP » dit Jeannot. « Son tableau, il le roule et il se le fout dans le cul ! » gueula Sergio. Camille remonta quelques marches vers lui et, du haut de ses 1m60, elle l’empoigna par le colbac, lui fit un Uchi-Mata, Sergio s’envola, retomba lourdement et Camille le bloqua d’un Hon-Kesa-Gatame des fa- milles. C’était une furie qui lui hurla dessus. « Bravo Sergio !... C’est élégant !... C’est distingué !... C’est la grande classe ! » Elle y allait, la gamine, dans la démolition. Tout y passait, qu’elle le traitait de raclure, d’égoïste, de castré des comptoirs, d’eunuque des troquets. Elle connaissait son point sensible la garce, en remettant en cause sa virilité. « Tu pues la mort ! » qu’elle lui hurla ! Elle parlait bien dans sa colère. Sergio, pris comme un rat, blanc comme une endive, n’osait même pas cligner des yeux de peur de s’en prendre une. « T’es vieux du cœur, t’es vieux du cul ! » Günther, croyant qu’ils jouaient, jappait gaiement. Elle les avait dépassés, les 140 signes ! Et pas qu’un peu ! « Ça, c’est de la meuf  », dit Polo. On l’avait jamais vue comme ça, la donzelle sage et souriante de La Chope. « Fallait que ça sorte. C’est bien ! Elle se libère, elle s’épanouit. Elle découvre l’Amazone qui dort en elle », dit Tonio. Camille le tua du regard. Elle lâcha Sergio qui se releva avec une prudence de chien battu. Il faisait pitié. C’est sûr que pour un mâle dominant, l’humiliation était totale. L’effondrement narcissique en public, en prime-time, à l’heure de grande écoute. À sa place, je me serais pendu, dissous dans l’acide, j’aurais remisé ma roguerie dans ma culotte. Mais lui, non, pas fier, il s’était relevé, époussetant placidement son pantalon, digne, un prince de la déculottée, looser magnifique. Il était seulement silencieux. C’était bien. « Bon ! On y va oui ou merde ! », dit Camille en s’engageant dans l’escalier. Günther a pété comme il y avait bien longtemps ! C’était un signe. Il se passait quelque chose. « Je viens, mais moi, les 20 ans de JP, vous savez où je me les mets », dit Sergio, sans se démonter, en empruntant l’escalier maladroitement. J’hésitais à lui faire un croche-pied ou lui prendre la main. Je l’avais, mon boulet. Il en faut toujours un pour que la vie ait du charme, qu’elle ait un peu de substance, de la matière concrète qui prouve que l’on est bien sur terre, pas à danser la gigue au milieu des angelots. Vivant quoi. On est tous descendu. « Ça pue », dit Polo. « C’est humide » dit Sergio. Je pensais à Till et à la suite.

À suivre...