La vie secrète de JPM (saison 2)

Épisode 7 : « Je vais pas vous faire un dessin »

Publié le 18 décembre 2020 à 16:21

Dans l’épisode précédent, le joyeuse troupe de La Chope avançait dans le tunnel de pierre sous la galerie d’art. Alors que Sergio se morfondait sur son amour non réciproque pour Camille, les amis de JPM atteignaient enfin le bout du tunnel...

« Laissez, je m’en occupe. » C’est Jeannot qui parlait devant une porte en bois aussi moche et crasseuse que la termitière d’où nous venions de passer une heure. « Blaoum ! » le coup d’épaule de Tonio. « Crac ! » la porte qui cède et « oh » de Polo de satisfaction. Une cave, pas avare en bouteilles. « Y’a pas que du bon », dit-il. « C’est pas un connaisseur, mais il écluse sec. Y’a de quoi tenir un siège. Oh bon Dieu ! Je la connais cette cuvée ! Que des bons souvenirs ! » Tout le monde regardait les boutanches comme Indiana Jones l’arche perdue. Je percevais une odeur de peinture fraîche venant du haut de l’escalier de la cave. Je suis monté. Quand j’ai vu ce que j’ai vu, j’ai imaginé la tête de Justine corrigeant mon papier pour Liberté Hebdo, s’attendant sans doute à un « The End [1] » mirifique, un dénouement qui laisserait les lecteurs pantois. Mais non... lamentable... que j’en avais honte... tout ça pour ça... J’en avais fait miroiter du cliffhanger [2] bien ficelé, du pas fadasse, du travail de pro. Ce qui me désolait, c’était de perdre l’estime des lecteurs, et puis des amis, des copains de La Chope aussi. Et puis quoi, j’avais encore un peu d’amour propre ! Faut le défendre quand même un peu. Mais là, c’était injouable. Quand le sort s’y met, on a beau revendiquer quelques talents littéraires, on est berné comme il faut, devant la réalité bien baveuse qui s’impose. C’est la ratatinade assurée, sans pitié. Sept épisodes à chercher mes 20 ans, explorer les très-fonds de la terre et des souvenirs, pour en arriver là ! Pire qu’un Uchi-Mata de Camille. Après avoir monté l’escalier, Günther dans les bras, je me suis retrouvé... dans La Chope en travaux. Posé dans un coin, entre des pots de peinture et un balai à chiottes usagé, à côté du bar et le rideau de fer fermé, les sculptures et les croûtes piteuses de la galerie. Mais pire que tout, ma tronche en peinture était introuvable. J’avais beau fouiller dans les coins, faire renifler Günther, rien du tout, nib. J’y avais salement cru, mais il n’y avait plus rien de mes 20 ans. Tout ça pour ça. Plus rien, pas un mégot, juste quelques souvenirs qui se battaient en duel pour exister. Les copains m’avaient rejoint, visiblement réjouis d’être là. Polo, les bras pleins de bouteilles, les a posées sur le bar et en a ouverte une. Puis une autre. Et une autre. La suite n’est pas glorieuse, mais on s’en foutait un peu. On avait passé l’âge de la posture et des rodomontades post-adolescence. Sergio dans un coin, un peu rejeté faut dire, matait Camille qui se jetait sur la bière en regrettant la Tsingtao. Il excellait dans la déculottée sévère. Il m’était tout de même sympathique. Même un gros con devant un chagrin d’amour a quelque chose de poignant. On se ressemble tous, on compatit. On aurait aimé vider la cave mais fallait rentrer en sens inverse avant que le jour se lève. On l’a fait. On s’est niqué les coudes contre les pierres coupantes. Mais on l’a fait, presque dignement, en chantant des chansons paillardes. Quant à moi, j’imaginais Till me disant qu’un tableau, ce n’est qu’un peu de pigment sur une toile tendue et que les repentis, c’est pas interdit. C’est pas fait pour les chiens. Les tronches de ravis de la crèche des copains me rassuraient. Finalement, mon jour préféré de la semaine, c’était aujourd’hui. Fallait juste ne pas être trop lucide et se garder un peu d’insouciance sous le coude. Sinon, faut pas se lever. Et ça serait dommage, pas vrai ? Je vais pas vous faire un dessin.

À suivre...

Notes :

[1La fin.

[2Fin ouverte destinée à créer une forte attente, un grand suspense.