J’ai Le Soleil dans les mains. Ce quotidien sénégalais est l’héritier de Paris-Dakar, fondé en 1933 par Charles de Breteuil. Ce dernier soutiendra la création du journal L’Express avec, entre autres, la famille Seydou. Petite anecdote savoureuse, son fils fut le dealer des stars dans les années 1970, notamment Jim Morrison. Les actionnaires majoritaires sont l’État, des sociétés publiques, des institutions. En première page du journal, une photo du président Macky Sall, qui aura la présidence de l’Union africaine. Son ambition : faire de la sécurité sa priorité en ces temps troublés de guerre au Mali et de coup d’État au Burkina. En feuilletant, je découvre étonné un article sur les violences « physiques, psychologiques, morales, mais aussi sexuelles et émotionnelles sur des élèves de Daaras (école coranique) ». Étonné car la présence dans les rues de « talibés » (mendiants) de parfois cinq ans, en guenilles, issus de ces écoles, ne pose guère de problèmes à la majorité des Sénégalais. Quelques pages plus loin, j’apprends qu’un Sénégalais consomme 110 kilogrammes de riz par an (contre 4,5 kilogrammes en France). On dit : « Merci JPM pour l’info ! » Un article retient particulièrement mon attention. Il concerne le « yebbi » (le déballage), cadeau donné à la belle-famille par la mère d’une mariée. Pour être respectée, ne pas être humiliée, elle doit donner le plus de cadeaux ou d’argent possibles. Des femmes expliquent que ce sont les économies d’une vie qui sont dilapidées pour un « yebbi » et qu’il serait temps de mettre un terme à cette tradition. Quelques pages plus loin, on apprend qu’un Français est mort défenestré du 10e étage de l’hôtel Pullman de Dakar (meurtre, accident, suicide ?). Dans les pages culture, un article est consacré à un documentaire du réalisateur Maky Madiba Sylla sur Amath Dansokho intitulé Il chantait rouge. Ce syndicaliste, journaliste et homme politique décédé en 2019 n’avait jamais caché ses convictions communistes et marxistes-léninistes. Il aurait lu à 14 ans le Fils du peuple de Maurice Thorez. S’inscrivant dans la lutte armée, c’est par Frantz Fanon qu’il fait l’acquisition d’armes en 1959 pour organiser une insurrection indépendantiste à Saint-Louis. Elle échoue. Il s’exile à Cuba pour se former et exporter la révolution au Sénégal. Il se liera d’amitié avec Joséphine Baker. Des années plus tard, il organise les partis d’opposition contre l’ancien président Abdoulaye Wade. Nommé ministre d’État par Macky Sall, ce dernier déclarera à son sujet : « Nous l’appelons Mandela parce qu’il est pour nous, Sénégalais, à ce niveau-là. » Il est enterré à Saint-Louis. Avant les pages sport, on apprend que la langue des Lébous (minorité ethnique originaire paraît-il de l’Égypte pharaonique) a des grandes similitudes avec le... breton. Yoff, un lieu-dit près de Muzillac, a le même nom qu’un village près de Dakar, tous deux fondés par des communautés au 16e siècle. De même que les chants traditionnels des deux régions ont des ressemblances. Il semblerait qu’avant la colonisation, des missionnaires catholiques finistériens aient mené des études sur les Lébous. Tata Astou ne m’a jamais appelé « biloute ». Dommage. J’aurais ouvert un champ d’études passionnant.

© JPM
Les chroniques de JPM chez Tata Atsou
La lecture du Soleil
Publié le 4 février 2022 à 14:09