Feuilleton

La vie secrète de JPM (5)

Épisode 5 : « Les amis »

Publié le 28 avril 2020 à 12:42 Mise à jour le 28 octobre 2020

JPM vous propose de suivre durant plusieurs semaines un feuilleton inédit qui vous plongera dans son quotidien en ces temps de confinement : « La vie secrète de JPM ». Dans l’épisode précédent, il partait à la recherche de Günther, le bouledogue handicapé de tata Rosa qui avait disparu devant le bar de La Chope.

La ville était comme une peinture de Chirico. Personne et pas l’ombre de Günther. J’imaginais le pire. Günther en fourrière ou agonisant sous un porche. Günther suivant un inconnu en échange de croquettes.Pauvre clebs. Sergio m’a appelé : « J’ai pensé à un truc. D’un point de vue cognitif, les chiens fonctionnent assez en synergologue. Ils interprètent nos gestes.Tu as dû lui en faire un pas clair, il a rien compris, il s’est senti mal aimé et il est parti. Les chiens, c’est comme les gens. C’est sensible. Ça prend tout dans la gueule. Un geste de travers et t’as le cognitif qui part en couille. Tu en penses quoi ? » J’en pensais rien. Il était où ce chien ? J’approchais de la place Louise-Michel quand j’ai reçu un message de Polo. « Ton clébard a dû s’envoler. Mais t’inquiète, il a du flair. Il va rentrer tout seul chez ta tante. J’oubliais. Un Reuilly fera l’affaire.C’est bon aussi le Reuilly. » Je me suis senti vraiment seul.

C’était sans compter sur le SMS d’Emma : « J’ai trouvé Günther. Mon pendule dit qu’il est à 15 m d’altitude. Il a sous les yeux une étendue d’eau, sur une île, avec des palmiers. C’est incroyable. Je continue mes recherches. » Quant à Jeannot, il me promettait de racheter un chien à tata Rosa si Günther était introuvable. Je me suis vraiment senti très seul. J’ai continué à chercher. Il y avait une belle lumière de fin d’après-midi. La Chope était fermée. J’ai recroisé la voiture de flic et le policier m’a dit : « La poésie, la musique et l’amour ! Hauts les cœurs ! » J’étais en vrac.Deux heures plus tard, je suis rentré à la casa sans Günther. Elle est petite, ma casa, avec un lino imitation carrelage. Une des fenêtres donne sur une cour, devant chez Maryline Cheap. En vérité, elle s’appelle Cédric, il est travesti dans un cabaret. Je la vois parfois se maquiller en écoutant Reggiani ou Starmania.

On se connaît très peu. « Bonjour, Bonsoir. » Chez moi, j’ai plein de totems vaudous sur mes étagères. À mes moments perdus, je les sculpte dans du bois de récup. Mais c’est un secret. Je le dis à personne. Un jour, j’aurai une maison en pierre au bord d’une rivière, avec un atelier où je ferai des totems géants. En attendant, j’écris des chroniques culturelles.J’ai ouvert un cubi, j’ai écouté les Stooges à fond et j’ai réfléchi. J’allais dire quoi à Tata ? Il est mort d’une crise cardiaque cette nuit ? Je l’ai enterré décemment le long de la voie ferrée ? Entre temps, j’avais reçu des message. « C’est Sergio. Y’a pas de chien, mais un de perdu, dix de retrouvés ! Je bois un verre chez moi avec Camille. On pense à toi ! » Vraiment balèze. Emma : « Je vois un chiffre. 0666. Je ne lâche rien ! » Je déteste cette expression ! Polo : « Plutôt un Pouilly. C’est bon aussi, le Pouilly. » Fuck ! Jeannot : « J’ai un copain qui à un Rottweiler à donner. Ça te dit ? » Désespérant.

J’ai lu le dernier article de Jérôme Leroy dans Liberté Hebdo. Je serais bien allé voir un concert, du théâtre, une expo. Je l’aurais chroniqué pour le journal. En attendant, je pourrais proposer d’écrire ma vie sous forme de feuilleton ? Bof ! 3 500 signes, c’est trop court, je ne pourrais pas développer. J’ai broyé du noir pendant deux heures et, n’y tenant plus, je suis ressorti. Il faisait nuit. J’ai erré au hasard à la recherche de Günther, sans y croire. Dans une rue sombre sans issue que je n’avais jamais empruntée, une fenêtre au troisième étage était éclairée d’où s’échappaient des aboiements. Je les aurais reconnu entre mille ! C’était Günther !

À suivre...

Si vous avez raté le début, vous pouvez toujours relire les épisodes 1 : « Günther », 2 : « La Chope », 3 : « Tata Rosa » et 4 : « Bartok ».