Arras

Menaces sur l’abbaye Saint-Vaast et le Musée des Beaux-Arts

par Érik Hout
Publié le 18 septembre 2020 à 15:44 Mise à jour le 21 septembre 2020

« On est bien là dans un mouvement de fond qu’il convient de combattre. À notre sens pourtant, il s’agit de la première fois qu’une telle menace s’abat sur un Musée des Beaux-Arts français [1] . » La Tribune de l’Art est une revue destinée aux professionnels et à tous ceux qui s’intéressent de près aux arts et aux musées. Dans six numéros des mois de juillet et août 2020, Didier Rykner, journaliste et historien de l’art, y consacre une série d’articles dénonçant la main basse opérée sur l’abbaye Saint-Vaast et le Musée des Beaux-Arts d’Arras. Situé au centre-ville, jouxtant la cathédrale, ce bâtiment a été édifié au XVIIIème siècle autour de trois cours Il présente un ensemble monumental cohérent contenant aujourd’hui le Musée des Beaux-Arts, la médiathèque et des réserves renfermant plusieurs dizaines de milliers d’œuvres d’art du Moyen Âge à nos jours. Depuis une vingtaine d’années, la municipalité arrageoise s’est peu intéressée à ce patrimoine qui nécessiterait des réhabilitations importantes. Il serait pourtant susceptible de devenir un grand lieu culturel auquel pourraient être joints, d’une façon ou d’une autre, le trésor de la cathédrale et le tombeau de Saint- Vaast. Le projet nommé « La Fabrique de l’imaginaire », proposé par la municipalité dirigée par Frédéric Leturque, tourne le dos à cette ambition. En quelques mots, Didier Rykner met le doigt sur l’essentiel d’un projet qui vise à mélanger musée et médiathèque et ceci sous la coupe d’un groupe immobilier désireux de construire un hôtel grand luxe 5 étoiles... : « Derrière cette novlangue effrayante se cache en réalité un véritable projet de destruction du musée. » [2]. Imaginons un instant œuvres d’art,volumes de bibliothèque, CD de médiathèque répartis au milieu des chambres d’hôtels... rencontres inopinées des touristes haut de gamme avec des enfants des écoles ou des mineurs retraités avides de connaissances. Non, musée et médiathèque n’existeront plus en tant que tels. Leur extension deviendra impossible ; le public déambulera dans des espaces où seront mêlés BD, œuvres d’art du XVIIIème, sculptures médiévales, œuvres d’Art déco et les célèbres Mays. Or, une telle conception pose plusieurs problèmes :

  • les musées sont des lieux aujourd’hui encore impressionnants, écartant les publics dits populaires : ce projet ne peut que renforcer les clivages et détourner plus encore les « non- publics » de leur rencontre avec l’Art ;
  • cette mise en cause des musées sape les fondements mêmes de ce qu’est un patrimoine architectural tel que l’ont conçu deux siècles de notre histoire ;
  • ce projet pharaonique cherchant à attirer un public ultra privilégié asséchera la politique culturelle d’Arras ;
  • nous sommes dubitatifs quant à son succès économique et plus encore quant au bien- fondé des transformations architecturelles, comme en attestent les opérations réalisées dans des bâtis semblables à Valenciennes ou à Douai. Aujourd’hui, une large mobilisation, grâce entre autres aux articles de Didier Rykner, se développe contre ce projet. Affaire à suivre...

Notes :

[1L’abbaye Saint-Vaast et le Musée des Beaux-Arts d’Arras en péril

[2Idem