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Murakami, vagues déferlantes

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 12 décembre 2019 à 20:49

Les ouvrages d’Haruki Murakami, régulièrement pressenti pour le prix Nobel de littérature, continuent de valoriser les vitrines des librairies. Une richesse nullement en danger de tarir.

La trilogie 1Q84, succès mondial qui se compte en millions d’exemplaires, est inspirée par l’actualité : le tremblement de terre de Kobe et l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 par la meurtrière secte Aum. Ont suivi, entre autres, les deux tomes du Meurtre du Commandeur, les Conversations avec le chef d’orchestre Seiji Ozawa évoquant le travail de création musicale, et tout récemment Profession romancier , douze essais sur sa démarche d’écrivain assortie de conseils et d’encouragements à ceux que l’écriture titille. Murakami traduit en histoires ce qu’il comprend du monde, et ce depuis plus de trente ans, sans se répéter, tout en affirmant qu’il n’en a jamais fini avec ce sujet. Murakami capte l’attention du lecteur, l’intrigue en jouant avec des récits parallèles et un fantastique émanant du quotidien.

Il recourt souvent à un homme en proie à un séisme intime dont le mystère ne se lève que lors de retrouvailles avec des personnes connues jadis. En équilibre sur la frontière incertaine du réel et de l’imaginaire, ses récits se saisissent d’univers instables qui renvoient les reflets déformés de la condition humaine.

Du réel au fantastique et réciproquement

Les voyages oniriques sont autant d’invitations à explorer le monde comme il va et risque de devenir dans un avenir proche : 1Q84 renvoie au 1984 de George Orwell, à Big Brother et à ses suiveurs « masqués » ,Twitter et Facebook. Passant de l’intime au social et au politique, il s’engage de plus en plus : l’accident nucléaire de Fukushima est à ses yeux la conséquence d’une politique économique fondée sur l’efficacité, la rentabilité et le délaissement des valeurs humaines. Les éditions Belfond qui ont publié tous les livres cités précédemment, font paraître des romans de Murakami des années 1990, succès proches de ceux d’aujourd’hui. La Fin des temps narre les missions spéciales d’un informaticien prisonnier d’une ville hantée de ténèbres et de mercenaires.

Magnifique retour en arrière

La Course au mouton sauvage , fable teintée de surnaturel, suit les aventures d’un homme menacé par une mystérieuse organisation d’extrême droite manœuvrée par un des dirigeants occultes du Japon. Dans Danse, danse, danse, un songe étrange pousse le même homme à retourner dans un hôtel de l’île d’Hokkaido : quête d’identité et récit initiatique renouvelé s’imbriquent dans un monde devenu un inquiétant labyrinthe. En ces temps de fêtes de fin d’année, la déferlante Murakami ne connaît pas le moindre ressac, les vagues se succèdent avec la même puissance et le même plaisir de lecture à la clef.