OPÉRA

« Pygmalion », le geste de l’artiste amoureux de lui-même

par PAUL K’ROS
Publié le 21 janvier 2019 à 15:53 Mise à jour le 25 janvier 2019

L’amour était baroque du 16 au 24 janvier à l’Opéra de Lille avec Pygmalion et L’Amour et Psyché, respectivement de Rameau et Mondonville.

Pygmalion (Reinoud Van Mechelen, ténor), sculpteur fasciné par son art et son œuvre, s’éprend d’une de ses statues (Magali Léger, soprano) au grand dam de Céphise (Samantha Louis-Jean, soprano) son élève et amante qui ne reste pas de marbre, insatisfaite, on peut la comprendre, d’être ainsi délaissée pour un corps de pierre.
Las ! pour elle, l’Amour (Armelle Khourdoïan, soprano) qui a un faible pour la geste artistique et ici la politique spectacle, donne chair et sentiments à la statue et tout se termine dans une ambiance d’allègre sarabande au cours d’un vernissage bien arrosé. La Sud-Africaine Robyn Orlin, chorégraphe et metteur en scène, transforme le vaste plateau d’opéra en atelier d’artiste avec d’un côté de longues tables de travail façon clinique et de l’autre, au sol, une masse informe comme plâtre à battre, qui une fois dressée verticalement deviendra support de projections sculpturales superposées (vidéo Éric Perroys) jusqu’à donner posture sensuellement surréaliste à la femme rêvée ainsi façonnée.
Outre les cinq chanteurs protagonistes la chorégraphe a invité à la fête une danseuse (Wanjiru Mumbi Kamuyu) et quatre danseurs (Enrico D. Wey, Oupa Sibeko ; Fana Tshabalala, Albert Khoza) originaires d’Afrique noire dont l’expression corporelle singulièrement libre et le pigment de la peau donnent à cet opéra baroque une universalité nouvelle.

Mondonville, une musique bien charpentée

« L’Amour et Psyché », par Robyn Orlin.
© Simon Gosselin

C’est le moment de rappeler que Pygmalion, donné à l’Opéra de Lille du 16 au 24 janvier, est une œuvre de Jean-Philippe Rameau, un condensé de l’art musical Grand Siècle de ce compositeur dont Emmanuelle Haïm restitue toute la riche brillance avec l’enthousiasme et la précision vigoureuse qu’on lui connaît à la tête de son ensemble du Concert d’Astrée, chœur et orchestre, tous vêtus pour l’occasion d’une chemise rouge, flambant neuf. On avouera toutefois n’avoir pas été vraiment convaincu par la proposition aux effets trop dispersés et alambiqués de Robyn Orlin pour cette première pièce.
La seconde, L’Amour et Psyché, offre plus de cohérence, chaque chanteur étant doté de son double dansé pour une compétition mouvementée et quelques morceaux de bravoure face aux caméras. On découvre ainsi la musique bien charpentée aux accents parfois étonnamment modernes de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, contemporain de Rameau, et la part belle faite aux chœurs superbement traités ici.
Les solistes (les mêmes que précédemment) s’y déploient fort à l’aise avec le renfort d’un nouveau venu, le baryton Victor Sicard, drôlement travesti en furie Tisiphone. Et comme au cinéma, ça se termine par le mot FIN.