Exposition

Quand la « Machine du Monde » s’emballe

par Justine Frémy
Publié le 12 novembre 2019 à 16:12 Mise à jour le 8 novembre 2019

Le collectif artistique brésilien BijaRi présente ici des productions qui interrogent les parentés et les altérités entre le Brésil et la France. Une partie des oeuvres a été réalisée avec les habitants de Douchy-les-Mines à l’occasion de leur résidence de travail au CRP/ au printemps 2019.

Cette exposition du Centre régional de la photographie Hauts- de-France (CRP/) tire son nom du poème éponyme de l’auteur brésilien Carlos Drummond de Andrade (voir ci-contre). L’auteur y évoque son scepticisme face au développement industriel fondé sur l’exploitation minière qui dégrade le paysage de son petit village. C’est de ce constat que le collectif d’architectes, de designers et d’artistes créé à Sao Paulo en 1997, part pour élaborer des projets en rapport direct avec l’espace, l’environnement et sa spécificité.

L’altérité culturelle interrogée

De la question environnementale naît alors celle d’un conflit entre les modèles dominants d’exploitation intensive et la survie des peuples locaux qui luttent pour la possession de la terre. Dans leur travail multidimensionnel, l’observation de l’espace public sert alors de fondement pour réfléchir à l’imaginaire poétique et collectif qui s’y manifeste, en exploitant des supports variés, comme la sculpture, la vidéo, la cartographie ou l’intervention humaine. L’idée centrale de cette exposition centrale de cette exposition est alors de s’appuyer sur l’immersion dans un territoire étranger pour faire émerger des questions relatives à l’ordre social et aux mémoires. Cette expérience permet à BijaRi de réfléchir aux paradoxes qui sous-tendent les relations conflictuelles entre la construction d’une mémoire collective brésilienne et la mémoire étrangère française. Dans La Ligne qui nous divise , le collectif mêle les dimensions locales et internationales.

Espaces de domination et de résistance

En reprenant des éclats de verre trouvés sur la place des Nations (à côté du CRP/) et en s’appuyant sur la carte de l’Amérique du Sud, les artistes délimitent deux lignes imaginaires reflétant les conflits engendrés par la séparation culturelle et sociale de mondes étrangers l’un de l’autre. La première marque la division entre les habitants de Douchy-les-Mines, ces éclats de verre issus d’actes de vandalisme symbolisant la notion de contact et de conflit entre le centre d’art et la rue.

La seconde marque quant à elle la division entre le Brésil et la Guyane Française, soit l’opposition entre une culture brésilienne et une culture française coloniale. À travers ces oeuvres, BijaRi traite successivement de la force, du pouvoir, de l’extrémisme nationaliste, de l’Amazonie et du réchauffement climatique, de la résistance des peuples indigènes, mais aussi des stéréotypes sur la culture brésilienne.

Ainsi, dans Dark Data , le collectif utilise le moteur de recherche Google pour mettre en évidence les occurrences des recherches les plus fréquemment associées au « Brésil ». On y retrouvera pêle- mêle « environnement », « fierté » ou « minorités sociales ». Des oeuvres qui invitent à réfléchir à nos propres représentations sur autrui et à la symbolique des espaces, sources de domination mais aussi de création et de résistance.