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Quand le travail tue

par PIERRE GAUYAT
Publié le 1er mai 2023 à 15:41 Mise à jour le 9 mai 2023

Chaque année, le 1 er Mai est l’occasion de se retrouver dans la rue pour défendre les revendications du monde du travail. C’est aussi la date de la remise du Prix Amila Meckert lors du Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale qui se déroule à Arras.

Le Prix 2023 a été décerné Christian Astolfi pour son roman, De notre monde emporté. L’action du livre se déroule au bord de la Méditerranée, à La Seyne-sur-Mer, dans le Var. Et plus précisément aux Chantiers navals qui ont fait la renommée de la ville durant un siècle et demi, avant de fermer, emportés par la mondialisation libérale, laissant des milliers de travailleurs sans ouvrage. Mais le pire était à venir, car si le travail est parti, il a laissé la mort blanche derrière lui : l’amiante. Cette fibre minérale, largement utilisée dans la « Navale » pour ses propriétés calorifuges, devient une tueuse silencieuse qui étouffe ses victimes à bas bruit avant que le cancer ne les emporte en quelques mois. C’est de ces travailleurs dont nous parle Christian Altolfi, ceux qui ont travaillé à bord de ces monstres d’acier qui sillonnent les mers et qui reviennent au carénage pour être réparés ou modernisés. Il rend aussi compte des conditions de vie et de travail des salariés et dresse le portrait de nombreux travailleurs de l’équipe dans laquelle travaille Narval, son personnage principal. Il faut dire qu’il a lui-même œuvré aux Chantiers et qu’il connaît particulièrement bien le monde qu’il décrit. Il narre encore la lutte des salariés contre la fermeture des Chantiers, véritable poumon économique de la ville, et de la région, et la difficile reconversion des ouvriers licenciés. Ceux qui y parviennent ont perdu à jamais la solidarité et la fraternité qui régnait sur le chantier naval ainsi que la fierté d’être ceux qui construisent ces cathédrales de métal. Cette chaleur ouvrière se reconstituera avec la lutte contre l’amiante, dernier combat des travailleurs de la Navale pour faire reconnaître la faute de l’employeur et obtenir des indemnisations. L’histoire que nous raconte Christian Astolfi entre en résonnance avec ce qu’ont vécu les travailleurs des chantiers de Dunkerque qui ont connu le même sort que leurs camarades varois. Sans doute l’occasion de belles rencontres entre Ch’tis et Méditerranéens. De notre monde emporté, de Christian Astolfi, éditions Le Bruit du monde, 192 pages, 19 €. Réédition, éditions Pocket, 7,30€.

Christian Astlofi, né en 1958 à Toulon, ancien ouvrier des chantiers navals, devient ensuite CPE dans l’éducation nationale. Il est l’auteur de quatre romans qui abordent la question de la douleur et de la maladie.

par PIERRE GAUYAT