Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Justine Pluvinage, artiste réalisatrice

Publié le 10 novembre 2021 à 20:00

Un thé. C’est ce qu’elle avait demandé. Personne cet après-midi à La Chope, excepté Justine, moi et, à la table à côté, un grand blond silencieux. Elle revenait de la projection de son film, Jaar-Jaar, co-réalisé avec la réalisatrice sénégalaise Awa Moctar Gueye après un mois de résidence à Saint-Louis. « C’est surtout l’histoire de notre rencontre », me dit-elle. Plus jeune, Justine voulait être chirurgienne cardiologue. « Après trois semaines d’études, j’ai vu que ce n’était pas possible. » Elle étudie alors la psycho tout en prenant des cours du soir dans un centre d’art à Lille. Elle y découvre la photo. C’est à l’école de photographie d’Arles que « j’ai commencé les portraits vidéo. C’étaient des récits de l’intime, des tabous, des secrets. Plus on est dans le singulier, plus on touche à l’universel ». Ce sera la base de son travail qui l’anime encore aujourd’hui. La curiosité était son moteur. Tout comme le grand blond qui discrètement l’écoutait. « Je cherche des gens qui vivent des choses fortes sans que l’on s’en rende compte. Je m’interroge sur la résilience, sur l’idée de la vie “avant tout”. Comment se mettre en mouvement après des évènements qui ont figé. Tout comme mes portraits de femmes ayant fait l’expérience de la mort par un viol, un divorce ou la mort d’un enfant. » Justine était née à Lille d’un père psy. Sa démarche me paraissait cohérente. Son thé refroidissait. Elle me parlait de ce travail réalisé à Chicago, une installation vidéo « Amazones », juste des femmes marchant dans l’espace public, et comment ce simple mouvement du corps peut raconter une multitude de choses. « Je fais des films de plus en plus hybrides, cherchant une sincérité plutôt que la vérité. » Art contemporain, cinéma, et maintenant, des études en psychanalyse, Justine se réjouissait d’être sur plusieurs domaines. « Je ne suis pas encore fatiguée d’un domaine particulier. L’intermittence me permet de vivre et de travailler. Je me sens assez libre. Je l’ai payé naguère par la précarité. Mais je chéris cette liberté. Je réalise quelques commandes pour le théâtre, des teasers et je m’y éclate. J’ai carte blanche. » Le grand blond acquiesçait. Je le trouvais franchement impoli. Justine expose actuellement au Muba de Tourcoing, dans le cadre d’une exposition en hommage à Mahjoub Ben Bella. « Je montre le “Madisoning”, vidéo réalisée en collaboration avec Amélie Poirier et Léonore Mercier avec les comédiens de l’Oiseau-Mouche, un travail autour de mouvements répétitifs, de sons et lieux multiples. » Je commandais un thé à Samir, tandis que Justine me parlait de ses coups de foudre artistiques : King Kong théorie de Virginie Despentes, découvert à New York, du réalisateur Johan van der Keuken pour sa liberté, de Sébastien Lifshitz et son film Petite Fille, me précisant qu’elle était souvent touchée par les documentaires. Des projets ? « Bien sûr » me dit-elle en rajoutant : « Toujours la machine à désirer en route ! » Elle s’est levée pour quitter le bar, le grand blond aussi. Il l’a prise par l’épaule. C’était son mec. Je me suis retrouvé tout seul.

Plus d’infos sur justinepluvinage.com et muba-tourcoing.fr.